Les travailleurs mauriciens
Le 26/06/2013 à 11h16 par Génériques
Résumé

Deux collections de périodiques portant sur l'histoire des travailleurs mauriciens viennent enrichir Odysséo : le Bulletin du Centre de documentation et d'information sur l'île Maurice et l'Océan indien et le Bulletin d'information des travailleurs mauriciens. En retraçant l'histoire des luttes de ces travailleurs en France  de 1975 à 1978, ce dernier permet de de revenir sur l'histoire de l'immigration mauricienne en France.

Deux collections de périodiques portant sur l'histoire des travailleurs mauriciens viennent enrichir Odysséo : le Bulletin du Centre de documentation et d'information sur l'île Maurice et l'Océan indien et le Bulletin d'information des travailleurs mauriciens. En retraçant l'histoire des luttes de ces travailleurs en France  de 1975 à 1978, ce dernier permet de de revenir sur l'histoire de l'immigration mauricienne en France.

 

Territoire colonisé par les Hollandais au XVIIe siècle, puis par la France (officiellement une colonie en 1735), puis par les Britanniques (1810), l’île Maurice accède à l'indépendance en 1968. La population de cette île de l'Océan indien inhabitée à l'origine s'est constituée par plusieurs vagues d'émigration de provenance très diverse (Français, Britanniques, esclave en provenance d’Afrique, de Madagascar et du continent indien...). A partir des années 1950-1960, la pression démographique rapportée aux ressources économiques limitées poussent de nombreux Mauriciens vers l'exil. La situation politique à la veille de l'indépendance constitue aussi un facteur d'émigration. En effet, les habitants d'origine française, minoritaires, perçoivent cette indépendance comme une menace de leur statut socio-économique et politique historiquement dominant, et craignent l'arrivée au pouvoir des hindous, qui représentent la moitié de la population traditionnellement dominée.

 

Une première vague d'immigration en France essentiellement féminine

Une première vague migratoire concerne les descendants des premiers colons français qui s'établissent en Afrique du Sud et en France. Dans leur sillage, ils entraînent une partie de la population défavorisée créole issue de métissage entre les colons français et leurs anciens esclaves africains ou malgaches. La particularité de cette immigration est d'être majoritairement féminine, les femmes de ménages suivant leur « maîtres » dans l'exil illustrant, selon V. Vuddamalay, la continuation des traditions coloniales. Ce mouvement est à l'origine du recrutement massif de « bonnes » créoles dans les banlieues parisiennes aisées.

 

Une seconde vague de travailleurs largement clandestins

Une population masculine leur succède, les femmes faisant souvent venir leur conjoint. Cette immigration s'accélère dans les années 1970, encouragée par la situation économique défavorable sur l’île, par des recrutements sur place d'entrepreneurs français et par certains discours politiques mauriciens. Entre 1961 et 1983, entre 15 000 et 19 000 Mauriciens immigrent en France dont environ 70% clandestinement.

Le mode de recrutement ainsi que les secteurs dans lesquels évoluent en majorité ces travailleurs, comme l'industrie textile et le service domestique, facilite l'emploi de clandestins. Cette condition fragilise ces travailleurs à la merci de leur employeur tant pour le paiement de leur salaire que pour leur condition de vie.

 

La lutte s'organise

Encouragés par les autres mouvements de luttes des travailleurs immigrés, à partir de 1973 plusieurs mouvements de défense politique des sans-papiers naissent. Le Mouvement des Travailleurs Mauriciens (MTM) s'attache ainsi à lutter contre le trafic de travailleurs mauriciens pour la reconnaissance de la responsabilité du gouvernement mauricien accusé de complicité et pour la régularisation de l'ensemble des travailleurs sans-papiers.

Certains travailleurs mauriciens entament alors une grève de la faim en mars 1974 ; ils obtiendront une première série de régularisation. La décision du gouvernement français en juillet 1974 de freiner l'immigration légale mauricienne ne freine pas pour autant l’arrivée de Mauriciens sur le territoire. L'année 1975 est marquée par de nouveaux conflits. C'est aussi l'année de la victoire des travailleurs mauriciens lors du procès de Celso Silvério à Troyes, condamné pour l'organisation d'un trafic de Mauriciens au profit de son entreprise. Ce procès avait fortement marqué l'opinion publique française.

L'opinion sur l’île est également alarmée par ces événements. Le gouvernement et les élites politiques, religieuses et syndicales interviennent auprès du président V. Giscard d'Estaing afin de mettre fin aux conflits. Ce dernier décrète alors la régularisation « pour des raisons humanitaires » de tous les Mauriciens sans-papiers rentrés avant la fin 1975 : 1 500 Mauriciens seront régularisés en 1977. Dans les années 1980, l'immigration de Mauriciens vers la France se stabilise mais change, le pouvoir politique mauricien, perçu comme pro hindou, encourage certains musulmans à émigrer en France.

 

Sources :

Bouziri S., Folliet D., « 1970-1980 : Dix ans de luttes immigrées, esquisse de chronologie », Migrance, n°25, troisième trimestre 2005, p. 118-133

 

Halajkann M., “Migration des femmes mauriciennes vers la France. L’originalité d’un processus”, Migrations Société, n° 35, sept.-oct. 1994.

 

Vuddamalay V., « L'insertion socio-professionnelle chez les nouveaux immigrés. Le cas des Mauriciens en France ». Espace, populations, sociétés, vol. 8 n° 2, 1990, p. 231-239

 

Vuddamalay V., Lau Thi Keng J.-Cl., “Quelques aspects de la migration mauricienne”, Hommes et Migrations, n° 1 126, novembre 1989, p. 41-46.

 

Widmer I., La Réunion et Maurice : parcours de deux îles australes des origines au XXe siècle. Paris : Institut national d'études démographiques : diff. PUF, 2005.

 

 

 

Melting post : Le procès du négrier Celso Silvério

Pour la première fois en France, 28 travailleurs mauriciens intentent en mars 1975 à Troyes un procès contre l’entrepreneur Celso Silvério pour trafic de main-d’œuvre immigrée.

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Paru en février 2012.

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