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Bidonville de Courtry : le mal-logement des populations immigrées

  • Date :

    1960-1970

  • Notice historique :

    Après la Seconde Guerre mondiale, de nombreux bidonvilles voient le jour en France. La destruction de bâtiments durant la guerre, l'exode rural et la venue de la main d'Suvre étrangère se conjuguent pour produire, autour des grandes villes essentiellement, des îlots de grande pauvreté. Le terme de bidonville désigne les zones de baraques précaires et insalubres groupées en véritables cités où vivent, au milieu des années 1960, près de 100.000 habitants. En 1964, on estime à 40 % le nombre d'Algériens vivant en France qui habitent dans des bidonvilles; celui de Nanterre, qui est l'un des 89 bidonvilles recensés dans la région parisienne, regroupe 14.000 personnes. Grâce à l'action de groupements en défense des populations les plus vulnérables, le problème crucial du logement pour les sans-abris et les immigrés est alors progressivement pris en compte par les autorités.

    À partir des années 1960-1965, plusieurs bidonvilles se développent dans la commune de Courtry près du quartier des Coudreaux de Chelles. Des familles pour la plupart d'origine algérienne résident sur des terrains qui ne possèdent ni eau courante, ni électricité. Des baraquements prennent place les uns à côté des autres sur un sol de terre qui se transforme en boue à la moindre averse. En 1967, la Préfecture propose à la mairie de Courtry de réaliser une cité de transit mais rien n'est décidé. Un recensement comptabilise 37 familles composées de 230 personnes qui habitent, en 1969, dans le bidonville principal de Courtry, situé rue des Peupliers. La Préfecture de Seine-et-Marne espère rapidement «l'expulsion des squatteurs» et la mairie de Courtry dresse un bilan des «méfaits et déprédations» commis supposément par les habitants. En 1971, un projet d'installation d'une cité de transit, réalisé par une filiale de la SONACOTRA (Société nationale de construction de logements pour les travailleurs algériens), est abandonné: un fait divers commis à Chelles-les-Coudreaux en août 1971, qui implique de jeunes hommes, désignés comme «Maghrébins», est exploité par la presse. Dans une délibération spéciale, le conseil municipal de Courtry «demande l'expulsion immédiate du territoire national des familles des délinquants, ascendants ou descendants, réclame la mise en place de forces de police suffisantes en permanence(&)». L'hostilité et le racisme s'expriment ouvertement. Par la suite, certaines familles sont progressivement relogées, notamment à Chelles, mais un petit groupe est contraint de demeurer dans le bidonville. En août 1973, la mairie de Courtry incite les habitants à partir et procède à la démolition partielle d'une habitation dont les gravats sont laissés sur place. En janvier 1974, alors qu'il reste 104 personnes sur le terrain, le toit d'une maison est arraché par la tempête et les pompiers installent une bâche. Les conditions de vie des familles se détériorent rapidement et les autorités sont interpellées par l'Association de soutien aux travailleurs immigrés (ASTI), en vain. Il est prévu de reloger les familles dans des logements HLM à Claye-Souilly et Villeparisis.

    Le 8 janvier 1975, l'écroulement d'un pan de mur situé dans le bidonville provoque la mort d'un enfant. Ce drame suscite une vive émotion et un Comité d'action pour le relogement des habitants des bidonvilles et autres logements insalubres se mobilise avec le soutien des partis de gauche, du Secours catholique, des syndicats d'enseignants des écoles de Chelles et de l'ASTI. Une pétition, une exposition et des réunions publiques sont organisées à Chelles pour «mettre l'administration face à ses responsabilités pour que le relogement des familles concernées devienne effectif». Un tract dénonce:

    Un gosse tué par l'effondrement d'un mur. 5 familles, 31 enfants, vivent encore à Courtry dans les ruines d'un bidonville qui menacent de s'effondrer. Ils ne disposent pas des conditions élémentaires d'hygiène (eau par exemple). La santé et le devenir des enfants sont déjà compromis. Il s'agit de familles de travailleurs dont le père assume une activité régulière. Leur détresse nécessite des mesures d'urgence!

    Le conseil municipal de Courtry se réunit alors et «dénonce la lenteur excessive des actions menées par l'administration pour assurer le relogement des habitants des bidonvilles». Dans les mois suivants, les dernières installations sont démantelées et toutes les familles trouvent un logement dans le parc social.

    L'histoire du bidonville de Courtry souligne l'importance de la médiatisation qui fait connaître les conditions de vie déplorables des habitants et le rôle des associations d'entraide pour la suppression du mal-logement des immigrés en France.

  • Sources complémentaires :

    Sources

    AD77,1930W41, Expulsions des bidonvilles à Courtry, 1969-1981.

    AD77,3279W200, Courtry: réalisation de la Z.A.C des Linas.

    AD77,SC33227/22, Commune Darvault. Bidonville et récupération de métaux, 1970.

    Image :Commune de Courtry, Plan d'ensemble de la commune de Courtry, Localisation des bidonvilles, Plan et mentions manuscrites, 40x60, 1968-1975, AD77, 130W41.

  • Références :

    HERVO,Monique, CHARRAS,Marie-Ange, Bidonvilles, l'enlisement, Paris, François Maspero, 1971, 416p.

    LA GORCE,Francine de, L'Espoir gronde. Noisy-Le-Grand: 1956-1962, Paris, Éditions Quart Monde, 1992, 254p.

    LALLAOUI,Mehdi, Du bidonville aux HLM, Paris, Syros, 1993, 135p.

    SAYAD,Abdelmalek, DUPUY, Eliane, Un Nanterre algérien, terre de bidonvilles, Paris, Autrement, 1995, 124p.

    VOLDMAN,Danièle, La Reconstruction des villes françaises de 1940 à 1954. Histoire d'une politique, Paris, L'Harmattan, 1997, 487p.

    VOLOVITCH-TAVARES,Marie-Christine, Portugais à Champigny, le temps des baraques, Paris, Autrement, 1995, 155p.

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