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La Houssaye-en-Brie. Les réfugiés espagnols au Château de la Houssaye-en-Brie

  • Date :

    1937-1940

  • Notice historique :

    Lors de la Guerre d'Espagne, entre 1936 et 1939, la France accueille de nombreux réfugiés qui fuient leur pays déchiré par la guerre civile. Près de 470.000 exilés, dont 170.000 civils, issus du camp républicain, traversent la frontière dès 1937 et surtout à la chute de la République, en avril 1939, lors de la Retirada (retraite). Les autorités françaises décident de rassembler l'essentiel des exilés dans des camps fermés, situés pour la plupart dans le Sud-Ouest, parmi lesquels Saint-Cyprien, Argelès-sur-Mer, Le Barcarès et Rivesaltes (Pyrénées-Orientales), Gurs (Pyrénées-Atlantiques), Agde (Hérault), Bram (Aude) et Le Vernet (Ariège). Des camps sont également ouverts en Afrique du Nord et les détenus sont employés comme travailleurs des chantiers publics, en Algérie notamment sur la ligne de chemin de fer du Transsaharien. Une autre partie est évacuée vers l'Intérieur, dans certains départements comme la Loire-inférieure, la Charente-Maritime, le Limousin ou l'Ardèche. En Île-de-France, les réfugiés bénéficient d'une double solidarité qui trouve sa source dans l'engagement politique et syndical de gauche et dans la présence d'une forte communauté espagnole, troisième source de l'immigration avec 250.000 Espagnols résidant en France en 1936.

    Dès 1937, la préfecture de Seine-et-Marne organise l'accueil des réfugiés et procède tout d'abord à l'enregistrement des demandes d'hébergement formulées par des proches résidents dans le département. Des militants syndicaux de la CGT et les relais locaux du Parti communiste interviennent dans l'organisation logistique de ces installations. Un centre est ouvert en particulier dans le château situé dans la commune de La Houssaye-en-Brie. Ce château fort, bordé d'un fossé et entouré d'un parc d'environ 60 hectares, construit à la fin du XIIIe siècle est agrandi au XVe siècle puis à l'époque de la Renaissance. Le Maréchal Augereau, Duc de Castiglione, acquiert l'édifice et ses dépendances en 1801 et procède à de nombreuses restaurations. Napoléon y réside plusieurs fois. Au début des années 1930, après être passé par plusieurs propriétaires, le château restait inhabité et sans destination précise. Son état d'abandon et de délabrement favorisa le choix de ce lieu comme centre d'hébergement. En août 1937, la décision est prise d'y loger des réfugiés espagnols et un premier contingent de 310 personnes parvient dans ce centre d'accueil aménagé spécialement. C'est en ces termes qu'un journaliste de l'époque évoque son installation:

    Actuellement, des soldats venus de Coulommiers bourrent des paillasses qu'on alignera le long des murs des pièces pour y coucher les réfugiés. Des gendarmes, des gardes mobiles prennent des dispositions pour que nul Espagnol ne puisse sortir d'une zone qui, dans le parc, sera fermée (&) par une petite barrière de fils barbelés.

    Dès septembre 1937, La Houssaye accueille près de 1.000 personnes et l'espace limité du château incite à la création d'autres centres d'hébergements en Seine-et-Marne. La Préfecture adresse des demandes d'hébergements à toutes les communes du département, avec plus ou moins de succès. Des petits groupes, de 5 à 25 personnes, essentiellement des femmes, des enfants et des personnes âgées, quittent La Houssaye et sont répartis, par exemple, à Coulommiers, Saint-Fargeau, Dammarie-lès-Lys, Meaux et Chelles, où est créée une colonie d'enfants dite «L'ami de l'Enfant espagnol». Les réfugiés sont installés chez les habitants, dans des colonies de vacances, des logements vacants, voire dans une usine inoccupée, comme à Provins. La taille modeste des regroupements et le placement des réfugiés chez les particuliers permettent d'assurer un accueil favorable, bien meilleur que celui réservé aux prisonniers des camps situés dans le Sud-Ouest. Mais ces arrivées suscitent aussi l'inquiétude des autorités et une hostilité, teintée de xénophobie, se manifeste fréquemment, comme dans cet échange daté de 1938 entre le Préfet et les syndicats locaux:

    M. Le Ministre de l'Intérieur m'informe qu'il a été constaté que de nombreux réfugiés espagnols qui résidaient jusqu'alors dans diverses régions arrivent dans le département de la Seine sans avoir fait aucune demande préalable d'installation dans ce département. Il n'est pas besoin de vous souligner les graves inconvénients que peut entraîner un afflux inconsidéré de réfugiés espagnols dans la région parisienne déjà saturée d'éléments étrangers. (AD77, M5448)

    La fin de la Guerre d'Espagne provoque un nouvel exode important et, en février 1939, les autorités militaires fournissent au département 750 couvertures, paillasses et sacs de couchage destinés aux nouveaux réfugiés espagnols. Des échanges se multiplient en Préfecture pour répondre aux demandes des familles espagnoles recherchant des parents réfugiés en France. En 1940, ces regroupements sont démantelés et les réfugiés espagnols de Seine-et-Marne subissent les conditions générales de l'Occupation.

    Le château de La Houssaye est racheté en 1939 et restauré par ses propriétaires successifs avant d'être classé au titre de Monument historique en 2000.

  • Sources complémentaires :

    Sources

    AD77,M5437, Refugies antifranquistes espagnols. Centre d'hébergement en Seine et Marne des réfugiés espagnols (Fublaines, Lizy, Villenoy, Provins, Mitry, Claye, Roissy, Coulommiers) : listes des réfugiés, correspondances, suivi des réfugiés quittant leur centre vers une autre localité, 1937-1939.

    AD77,M5447, Réglementations. Correspondance avec les ministères, 1938-1939.

    AD77,M5448, Accueil et hébergement. Hébergement au château de la Houssaye, 1937.

    AD77,M4700, Accueil et hébergement. Listes nominatives; instructions, correspondances, 1937-1939.

    AD77,M4738, Réglementations, Circulations ministérielles et préfectorales, 1939-1940.

    AD77,M4806-4807, M5345, Recherches dans l'intérêt des familles, statistiques hebdomadaires nationales, notices individuelles des hébergés dans les centres d'accueil, 1937-1940.

    AD77,M5002, Colonie d'enfants au château de Bessy, 1938-1940.

    AD77,M5428, Hébergement dans les camps de Dammarie, Chelles, Bessy, Compans, 1939.

    AD77,M5438, Recensement des locaux pouvant servir d'hébergement, 1939.

    AD77,M5453, Rapatriement, hébergement, 1939.

    Image :Jean-Clair Guyot, «Utilisation imprévue d'un château historique. On y hospitalise 300 réfugiés espagnols et dans quelles conditions! Partout des incidents éclatent dans les centres d'hospitalisation», L'Écho de Paris, n°21.151, 19Août 1937, Bibliothèque nationale de France, JOD-216.

  • Références :

    DREYFUS-ARMAND,Geneviève, L'exil des républicains espagnols en France : de la Guerre civile à la mort de Franco, Paris, Albin Michel, 1999, 475p.

    GUILHEM,Florence, L'obsession du retour: les Républicains espagnols, 1939-1975, Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005, 220p.

    MARQUES POSTY,Pierre, Les enfants espagnols réfugiés en France, 1936-1939, Paris, P.Marqués, 1993, 258p.

    PESCHANSKI,Denis, La France des camps : l'internement, 1938-1946, Paris, Gallimard, 2002, 549p.

    STEIN,Louis, Par-delà l'exil et la mort. Les Républicains espagnols en France, trad. Lisa Rosenbaum, Paris, Mazarine, 1981 (1ère éd., 1979), 383p.

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