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Avon. Cosmopolitisme et ésotérisme : l'Institut de Georges Gurdjieff dans les années 1920

  • Date :

    1920

  • Notice historique :

    Georges Ivanovitch Gurdjieff est né en 1886 à Alexandropol, aujourd'hui Gyumri, en Arménie, d'un père grec et d'une mère arménienne. Entre 1900 et 1910, il parcourt la Russie et se rend en Afghanistan et en Turquie. Il étudie la médecine, suit des cours de préparation à la prêtrise et entreprend des pèlerinages mystiques à la rencontre de sages, ermites et religieux qui possédaient des dons de clairvoyance et d'autres pouvoirs dits miraculeux. À Moscou, en 1912, il se fait appeler «L'Hindou» et présente un ballet fantastique intitulé La lutte des mages qui propose une initiation à la magie orientale. Il se présente alors en burnous blanc, porte un turban doré ou un pardessus noir à col de velours et un melon noir ou un bonnet d'astrakan. Il prétend avoir voyagé dans toute l'Asie, affirme avoir suivi les chemins mystérieux de la Connaissance et fréquenté les écoles dans les monastères tibétains, des cercles religieux en Perse, dans le Turkestan oriental ou auprès des moines grecs du Mont Athos.

    En réalité, il exerça durant cette période comme agent de renseignement russe au Tibet et fut chargé par les autorités tibétaines de divers postes de contrôle financier et de l'armement des troupes. Entouré de fidèles qui voient en lui un maître de pensée, Gurdjieff réside successivement à Essentuki au bord de la mer Noire, puis à Tiflis où il fonde un premier institut dédié au «développement harmonieux». En raison de son passé au service du Tsar et de ses idées, il fuit la Russie gagnée par la Révolution et tente de s'installer successivement à Constantinople (Istanbul), Berlin, Londres puis Paris. Ayant rendu quelques services à la France pendant la Première Guerre mondiale, en Asie mineure notamment, il bénéficie en 1922 de la bienveillance de l'ancien Président de la République Raymond Poincaré, alors Président du Conseil, qui autorise son installation au Prieuré des Basses-Loges à Avon près de Fontainebleau.

    Fondé en 1310, le Prieuré Saint-Nicolas de la Solitude des Basses-Loges accueillait les voyageurs pauvres ou malades et se transforma en monastère carmélitain au XVIIesiècle. En 1791, l'ensemble des bâtiments fut vendu comme bien national et rentra dans le domaine privé. Le 1er octobre 1922, Georges Gurdjieff s'installe au Prieuré avec sa femme, la comtesse russe Ostrovsky, ancienne dame d'honneur de la tsarine, et il crée un Institut pour le développement harmonique de l'Homme. Il s'entoure de plusieurs compagnons, fidèles à son projet mystique, et instaure une vie communautaire partagée entre activités spirituelles et tâches quotidiennes, comme le raconte Katherine Mansfield:

    Ici, c'est un vieux château très beau, entouré d'un parc admirable (&). Il y a une quarantaine de personnes, surtout des russes, qui s'emploient à toutes sortes de travaux. On soigne les bêtes, on jardine, on fait de la musique, on danse, il y a un peu de tout.

    Arrivée quelques semaines après la création de l'Institut, Katherine Mansfield (1888-1923) est atteinte de tuberculose. Née à Wellington en Nouvelle-Zélande, elle étudie à Londres où elle publie ses premiers textes dans les années 1910 et développe une Suvre littéraire complexe qui s'attache à l'exploration de l'âme humaine en utilisant la technique du monologue intérieur. Au cours de ses nombreux voyages en Europe, elle se rend très souvent en France, sur la Côte d'Azur et apprend l'existence des techniques de soin développées par Gurdjieff fondées sur l'interdépendance entre corps et esprit. Elle meurt en 1923 et est enterrée au cimetière d'Avon.

    En quelques années, l'institut de Gurdjieff acquiert une renommée internationale et attire des visiteurs venus du monde entier qui assistent à des expérimentations mystiques, des spectacles rituels de musique ou de danse. Un bain turc est construit dans les caves du bâtiment à partir des carrières de pierre de Fontainebleau. En 1924, Gurdjieff manque de mourir dans un accident de voiture et évoque une «résurrection». Après plusieurs voyages aux Etats-Unis, il récolte des fonds pour poursuivre l'aventure du Prieuré mais, dès 1932, l'Institut décline et ferme ses portes définitivement. Gurdjieff s'installe alors à Paris et poursuit ses enseignements dans un certain dénuement. Après la guerre, en septembre 1949, quelques semaines avant de mourir, il tente de faire renaître son institut et achète l'hôtel de la Gare à La Grande Paroisse près de Montereau-Fault-Yonne; l'expérience est immédiatement interrompue. Gurdjieff meurt en octobre 1949 et est enterré au cimetière d'Avon.

  • Sources complémentaires :

    Sources

    AD77,M5903, Demande de naturalisation de Gurdjieff, ressortissant russe, résidant à Avon, 1928.

    AD77,173J44 à 46, Photographies de Lionel Jullian, Avon, prieuré des Basses-Loges, "Jardin Gurdjieff" (Centre de convalescence, CRAMIF), jardin.

    AD77,16/1595, Monsieur Gurdjieff: Documents, témoignages, textes et commentaires sur une société initiatique contemporaine.

    Image :«Forest temple of a new mystic cult», The Daily Mirror, n°6020, 19février 1923, Daily Mirror Digital Archive.

  • Références :

    Collectif, Gurdjieff à Avon, 1922-1932, Avon, Les Amis du Prieuré des Basses-Loges, 2004, 54p.

    MAES-MARTIN,Geneviève, RENAUD,Marie-Paule (dir.), Katherine Mansfield au prieuré des Basses-Loges, octobre 1922-janvier 1923, Avon, Les Amis du Prieuré des Basses-Loges, 1998, 120p.

    PAUWELS,Louis, Monsieur Gurdjieff. Documents, témoignages, textes et commentaires sur une société initiatique contemporaine, Paris, Seuil, 1954, 448p.

    PETERS,Fritz, Une Enfance avec Gurdjieff, trad. François Gorin, Monaco, Éditions du Rocher, 1996, 255p.

    WALDBERG,Michel, Gurdjieff hors les murs, Paris, Éditions de la Différence, 2001, 232p.

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