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Grez-sur-Loing. Les artistes étrangers à l'Hôtel Chevillon au XIXe siècle

  • Date :

    XIXe siècle

  • Notice historique :

    L'hôtel Chevillon, situé sur la commune de Grez-sur-Loing au sud de Fontainebleau, accueille, entre 1860 et 1914, des centaines d'artistes venus du monde entier. Étudiants dans les ateliers parisiens, ils quittent ponctuellement la capitale pour s'exercer sur le motif des paysages bucoliques des bords du Loing. En 1860, Paul et Virginie Chevillon, qui donnent leur nom à l'hôtel, s'installent tout près du pont dans une ancienne auberge qu'ils transforment en résidence. À la même date, une gare est créée à Bourron-Marlotte Grez et permet de rejoindre Paris, par la ligne de Fontainebleau, en deux heures. Situé de l'autre côté de la forêt, Grez-sur Loing forme un point d'attraction comparable à Barbizon, proche de la capitale, grâce au train, et situé au milieu de la nature.

    Plusieurs communautés se succèdent à Grez-sur-Loing et l'hôtel Chevillon devient le point de rencontre de colonies d'artistes qui forment autant de cercles de partage et d'échange. Le peintre Camille Corot (1796-1875), fondateur de l'École de Barbizon, et l'un des premiers découvreurs des bords du Loing, fait connaître la beauté de ce paysage. Les frères Jules (1830-1870) et Edmond (1822-1896) Goncourt, écrivains et critiques littéraires, résident fréquemment à l'hôtel Chevillon dès le début des années 1860 et participent aussi à la reconnaissance des lieux dont ils vantent la simplicité et la beauté:

    " Nous voici dans une auberge de paysans, en pension à 3,50 francs par jour, habitant des chambres blanchies à la chaux, buvant du vin du cru, mangeant beaucoup d'omelettes. Mais il y a un verger, d'aimables figures de cabaretiers, une rivière à deux pas, où dans l'eau claire, l'on voit des poissons, un bateau, des lignes, une ruine à côté ".

    Le peintre Giuseppe Palizzi (1812-1888) fréquente aussi l'hôtel à la même période et décide même de s'y installer à demeure: un atelier est installé sur un terrain attenant et contribue à attirer de nombreux peintres qui y résident lors de séjours plus ou moins longs. Deux auberges distinctes se partagent les visiteurs et la vie s'anime chaque soir à la belle saison: à l'Hôtel Beauséjour, dit Pension Laurent, l'ambiance bourgeoise convient plutôt aux couples et, à l'hôtel Chevillon, la vie de bohème attire les jeunes artistes en quête d'inspiration, des plaisirs de la campagne et de la table. Sur les bords du Loing, le courant impressionniste se consolide en style et mode de vie: des tableaux de petit formats, des traits de pinceau marqués, des points de vue inédits, un usage original de la lumière et des couleurs, une société d'artistes bohèmes vivant en marge des conventions sociales.

    Will Hicock Low (1853-1933), dessinateur et écrivain américain, a raconté comment Grez-sur-Loing est devenu un des points de rassemblement des artistes britanniques et américains: formés notamment à l'atelier parisien dirigé par Carolus-Duran (1837-1917), peintre classique français, nombre d'entre-eux séjournent à l'Hôtel Chevillon, dont John Lavery (1856-1941), connu pour ses multiples peintures de Grez-sur-Loing. Le peintre irlandais Frank O'Meara (1853-1888), auteur de paysages classiques du courant impressionniste, réside plus de dix ans à Grez-sur-Loing et devient une figure emblématique de cette communauté d'artistes anglo-saxons. Des peintres venus des pays scandinaves forment aussi une colonie nordique remarquable composée de peintres suédois comme Oscar Törnå (1842-1894) et Carl Larsson (1853-1919) ou d'écrivains comme August Strindberg (1849-1912). À partir des années 1890, des peintres japonais rejoignent aussi les rives du Loing comme Kuroda Seïki (1866-1924) et Asai Chû (1856-1907) qui jouent un rôle majeur dans la circulation de la peinture occidentale vers l'Asie.

    À l'été 1876, l'arrivée de l'écrivain Robert Louis Stevenson (1853-1894) fait sensation. Écrivain écossais et grand voyageur, Robert Louis Stevenson est l'auteur du célèbre roman L'Île au trésor (1881), et d'une nouvelle connue mondialement, L'Étrange cas du Dr. Jekyll et de Mr. Hyde (1886). Après des études d'ingénieur et de droit, il décide de se consacrer à l'écriture et voyage à travers la Belgique et la France. C'est à l'occasion d'un séjour à Barbizon qu'il rencontre, en août 1876, sa future épouse, née Fanny Van de Grift, artiste-peintre américaine qui séjournait à Grez-sur-Loing. Une vie communautaire animée prend place dans l'Hôtel Chevillon tel que le raconte Isobel Osbourne, la fille de Fanny Stevenson,

    " (&) Les meilleurs de nos moments à Grez étaient les conversations, soit dans la grande salle à manger aux murs nus ou dehors sous la tonnelle près de la rivière, la nappe blanche mouchetée d'ombres de feuilles de vigne et l'air lourd du parfum des roses... "

    Mis en vente par la famille Chevillon en 1917, l'hôtel change de nom plusieurs fois et cesse son activité dans les années 1950. Grâce à l'initiative d'une association suédoise, la résidence est restaurée et ouvre à nouveau en 1994. Le nouvel intérêt suscité par le passé historique de ce lieu contribue à la naissance de la Fondation Grez-sur-Loing qui loue des appartements et des ateliers, par le biais de fondations, institutions ou académies, à des artistes en résidence.

  • Sources complémentaires :

    Sources

    AD77, 8AZ832 à 833, Fernande Sadler, «L'Hôtel Chevillon et les artistes de Grez-sur-Loing», L'Informateur, 1938, 18p.

    AD77, 76J167, Papiers d'érudits divers, dossier Fernande Sadler: hôtel Chevillon.

    AD77, MDZ289, Léon Petit, La mort d'une artiste: Fernande Eugénie Sadler, Grez-sur-Loing, 1949, 3p. dact.

    AD77, 68FI2348/1, La Reine de Suède inaugure l'hôtel Chevillon, Reportage photographique et articles, 1994.

    Image :A. Poignard, Grez-sur-Loing. Rue principale [Façade de l'Hôtel Chevillon], carte postale, 9x14, ca.1890, Collection Génériques.

  • Références :

    Artistes du bout du Monde. Grez-sur-Loing, n°1-2, 2005, n°3, 2006, n°4, 2007.

    BARS,Bery etal. (dir.), Grez sur Loing-Göteborg, Göteborg, Göteborgs konstmuseum, 1997, 32 p.

    DELERM,Philippe, Sundborn ou les Jours de lumière, Paris, Gallimard, 1996, 207p.

    GUNNARSSON,Torsten etal. (dir.), Painters in Grez-sur-Loing, Tokyo, Japan Association of Art Museums, 2000, 303p.

    LERAY,Claire (dir.), Les colonies artistiques de Grez-sur-Loing, 1860-1914, Grez-sur-Loing, Artistes du bout du monde, 2010, 104p.

    LEBRIS,Michel, R. L. Stevenson. Les années bohémiennes. 1850-1880, Paris, Nil éditions, 1994, 684p.

    LOW,Will Hicock, A chronicle of friendships, 1873-1900, New York, C. Scribner's Sons, 1908, 507p.

    GUINERY,Paul, JENKINS,Lyndo, Delius & Fenby. A photographic journey: a pictorial record of Eric Fenby's six years as amanuensis to the composer Frederick Delius at Grez-sur-Loing between 1928 and 1934, Oxford, Delius Society of Great Britain, 2005, 76p.

    SADLER,Fernande, «L'Hôtel Chevillon et les artistes de Grez-sur-Loing», L'Informateur, 1938, 18p.

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