Quartier Les Flamants, Marseille (Bouches-du-Rhône) Marche pour l'égalité et contre le racisme, 15 octobre 1983

  • Date :

    1983

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    «Donc, ils partaient de la Cayolle, dans un quartier sud, après ils sont passés aux Flamants. De l'éloignement d'une cité de transit comme La Cayolle, ils se sont rapprochés vers les Flamants, où est mort Lahouari Ben Mohamed...» (Yamina Benchenni, Marseille, 26 août 2013, campagne d'archives orales menée par l'association Génériques «Luttes et mobilisations de l'immigration, 1968-1988)

    Les Flamants constituent un quartier symbolique de l'histoire de la Marche pour l'égalité et contre le racisme. Cette cité est insérée dans le quartier du Grand Saint Barthélémy, dans le 14e arrondissement de Marseille, au cSur des « quartiers Nord » qui ont vu surgir 60% des logements sociaux de la ville et accueilli en masse les migrants du sud de la Méditerranée dans les années 1960. Les Flamants sont un exemple significatif de cette histoire urbaine et migratoire.

    Après la Seconde Guerre mondiale, et jusqu'aux années 1960, résident dans le bidonville de Saint Barthélémy, un des plus importants de Marseille, de nombreux soldats algériens démobilisés qui attendent leurs pensions, et qui sont rejoints progressivement par leurs familles. Ils vivent dans des regroupements communautaires selon les régions d'origine d'Algérie. S'y trouvaient aussi des immigrés italiens et espagnols. A partir de 1954, les cités de transit, ensembles de préfabriqués temporaires, remplacent le bidonville. Les années 1960 voient la construction des cités de la Zone à urbaniser en priorité (ZUP) n°1 qui doivent permettre le relogement des populations du centre-ville démoli, la résorption des bidonvilles et l'accueil des rapatriés d'Afrique du Nord. Population d'origine européenne, maghrébine (essentiellement algérienne) et antillaise se côtoient ainsi.

    Édifiée entre 1960 et 1975, la cité des Flamants est intégrée à cette nouvelle ZUP, avec d'autres cités HLM comme Picon, La Busserine, Font-vert, Saint-Barthelemy 3, Benausse, Iris, Le Mail. Les Flamants, au cSur du Grand Saint Barthélémy, fait l'objet de premiers réaménagements, à la fin des années 1970, ce qui qui permet un rééquilibrage sociodémographique de la cité, la création d'un centre social et d'équipements pour les jeunes, ainsi que des améliorations techniques comme le chauffage des entrées d'immeubles. Néanmoins, à partir des années 1980, le départ des classes moyennes entraînent leur remplacement par des familles plus pauvres, notamment étrangères, maghrébines puis comoriennes majoritairement.

    La cité des Flamants est particulièrement concernée par les violences et crimes racistes. Le déchaînement de la haine anti-arabe, dont l'acmé se situe durant l'année 1973, se poursuit durant les années 1980. Ainsi, juste avant le départ de la Marche, les actes racistes sont encore le quotidien de Marseille. Le 30 septembre 1983, un attentat, visant le stand de l'Algérie, secoue la Foire de Marseille. Le 13 octobre, un attentat vise un couple de personnes âgées, d'origine maghrébine, dans le quartier de la Bricarde. Auparavant, avait aussi lieu un attentat contre un foyer Sonacotra de Bonneveine. Plusieurs quartiers de la ville de Marseille sont ainsi touchés par ses attentats qui visent essentiellement des Maghrébins et revendiqués par des groupes d'extrême-droite tels que le Sac, le groupe Charles Martel ou «Les Templiers».

    Le passage de la Marche aux Flamants s'explique ainsi par ce contexte et par un événement qui a contribué à l'organisation des jeunes de l'immigration maghrébine engagés dans la lutte contre le racisme: l'assassinat de Lahouari Ben Mohamed. Le 18 octobre 1980, ce jeune homme d'origine marocaine est abattu par un policier CRS lors d'un banal contrôle routier à la cité des Flamants. Une manifestation est organisée le lendemain de la mort de Lahouari afin de dénoncer les violences policières. Des échanges se multiplient aussi entre les Flamants et la cité Bassens autour de l'expérience de la troupe de théâtre «N'taa Nou» («à nous»). Par la suite, les amis de Lahouari constituent la troupe théâtrale des Flamants, qui crée la pièce «Ya Oulidi», «O mon fils!», cri de douleur d'une mère à l'annonce de la mort de son fils, en hommage à Lahouari et à sa mère.

    Dans le contexte de la Marche et des nombreuses violences policières illégitimes, l'Association des femmes maghrébines en action (AFMA), dont une grande partie est issue des Flamants, organise, le 24 novembre 1983, un forum justice à la Maison de l'étranger à Marseille, afin de poursuivre la mobilisation pour les procès à venir. La Marche, pour les militants antiracistes de Marseille, ne s'arrêtent pas à cette seule étape puisque le comité de soutien marseillais de la Marche met en place des bus afin que les familles de Bassens et des Flamants participent à la manifestation du 3 décembre à Paris. On les retrouve à Paris qui chantent, «Nous sommes les enfants des quartiers Nord» alignés derrière la banderole «Jeunes de Marseille».

  • Sources complémentaires :

    Sources complémentaires

    SOURCES INTERNES:

    Fonds Sans Frontière :

    La «Beur» génération, Sans Frontière, spécial SF n° 92-93 (chronologie événementielle de 1979 à 1985 et l'été meurtrier 1983).

    Fonds Bonneau :

    A1. Politiques d'immigration, polémique, réactions associations et partis politiques, La Marche 1983. (1972-1984).

    B10. Crimes et agressions racistes, chronologie des crimes commis depuis 1980... (1980-1990).

    L49. Associations, MRAP, fonctionnement interne, assises et congrès, CR BN, bulletin d'information, campagne (1981-1995).

    L58. Associations diverses, FAS, France Plus, Texture, LDH... (1982-1995).

    Dossiers «Discriminations» (M61. Travailleurs immigrés, syndicats, clandestins (1981-1998). M.64. Accès loisirs, études, retraite, regroupement familial, conditions féminine (1983-1996)), «Statistiques» (O68. 1983-1997) et «Pays d'origine, immigration par communauté» (Q72. 1981-1996).

    Archives oralesissues de la campagne de Génériques sur les «luttes et mobilisations de l'immigration 1968-1988» : témoignages de Driss El Yazami, Yamina Benchenni, Marilaure Mahé, Saïd Mérabti, Ramzi Tadros.

    http://odysseo.org.

    www.generiques.org/migrance.

    SOURCES EXTERNES:

    SOURCES D'ARCHIVES PUBLIQUES

    Archives départementales des Bouches-du-Rhône : série W :

    1693 W1-248 Préfecture des Bouches-du-Rhône/ Affaires traitées par le cabinet : dossiers territoriaux concernant la vie politique, la vie économique et sociale du -département, 1945-1995.

    9 AV 49 6 entretien avec C BRUSCHI qui a pris partie prenante à la Marche pour l'égalité d'octobre 1983.

    16 AV 3 Marie laure MAHE, formatrice en travail social, elle participe à la Marche pour l'égalité et contre le racisme en 1983 au départ de Marseille.

    16 AV 6 Saïd BOUKENOUCHE, professeur d'anglais dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille. Président de sections de la LDH. Marcheur à l'occasion de la Marche pour l'égalité et le racisme.

    SOURCES IMPRIMEES : consultables aux archives départementales des Bouches-du-Rhône

    PHI 419 361 La Marseillaise (édition Marseille), octobre 1983 :

    La Marseillaise, vendredi 14 octobre 1983, «La Bricarde, les racistes ont encore frappé».

    PHI 420 385 Le Provençal (édition Marseille), octobre 1983 :

    Le Provençal, 14 octobre 1983, «Attentat à la Bricarde».

    Le Provençal, dimanche 16 octobre 1983, «Action anti-racisme. La marche pour l'égalité des droits».

    COLLECTIONS DES MUSÉES FRANÇAIS

    Musée de l'histoire d' l'immigration : http://www.histoire-immigration.fr/la-cite/repertoire-de-projets/memoire-de-la-cayolle.

  • Références :

    OUVRAGES

    Amara Salika, La marche de 1983, une pierre à l'édifice des luttes de l'immigration, Editions FFR, 2013.

    Abdallah, Mogniss H, Rengainez, on arrive: chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la hagra policière et judiciaire, des années 1970 à nos jours, Paris, Libertalia, 2012.

    Beaud, Stéphane, Pialoux, Michel, Violences urbaines, violence sociale. Genèse des nouvelles classes dangereuses, Paris, Fayard, 2003.

    Béroud, Sophie, Gobille, Boris, Hajjat, Abdellali, Zancarini-Fournel, Michelle (dir.), Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Édit des archives contemporaines, 2011.

    Bouamama, Saïd (préf.Abdalah, Mogniss H.), Dix ans de marche des Beurs: Chronique d'un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.

    Boubeker, Ahmed, Les mondes de l'ethnicité : la communauté d'expériences des héritiers de l'immigration maghrébine, Paris, Balland, 2003.

    Boubeker, Ahmed, Chronique métissées : l'histoire de France des jeunes Arabes, Paris, Alain Moreau, 1986.

    Boubeker, Ahmed, Hajjat, Abdellali (dir.), Histoire politique des immigrations (post)coloniales. France 1920-2008, Paris, Éditions Amsterdam, 2008.

    Bouzid, La Marche: Traversée de la France profonde, Paris, Sindbad, 1984.

    Bouzid, La Marche. Les carnets d'un «marcheur», Paris, Sinbad-Actes Sud, 2013.

    Delorme Christian, La Marche, Montrouge, Bayard, 2013.

    Djaïdja Toumi (Entretiens avec Jazouli, Adil), La Marche pour l'Egalité: une histoire dans l'histoire, La Tour-d'Aigues, Ed. de l'Aube, 2013.

    Garcia-Mahé Marilaure, En marche, Sokrys Editions, 2013.

    Gastaut Yvan, L'immigration et l'opinion en France sous la Ve République, Paris, Seuil, 2000.

    Guénif Souilamas, Nacira, Des « beurettes» aux descendantes d'immigrants nord-africains, Paris, Grasset, 2003.

    Guerry, Linda, Le genre de l'immigration et de la naturalisation. L'exemple de Marseille (1918-1940), Lyon, ENS Éditions, 2013.

    Hajjat, Abdellali, Les frontières de l'« identité nationale ». L'injonction à l'assimilation en France métropolitaine et coloniale, Paris, La Découverte, coll. « Sciences humaines », 2012.

    Hajjat, Abdellali La marche pour l'égalité et contre le racisme, Paris, Amsterdam, 2013.

    Jazouli, Adil, L'action collective des jeunes maghrébins de France, Paris, CIEMI/L'Harmattan, 1986.

    Khelif, Kamel, Premier hiver, Nîmes, Grandir, 2012.

    Nasri, Foued, "Les pérégrinations d'un collectif féminin au sein des luttes de l'immigration", in Béroud, Sophie, Gobille, Boris, Hajjat, Abdellali, Zancarini-Fournel, Michelle (dir.), Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Édit des archives contemporaines, 2011.

    Temime, Emile (dir.), Migrance. Histoire des migrations à Marseille, Aix-en-Provence, Edisud, 1989.

    Temime Emile, Lallaoui Mehdi, Des Algériens à Marseille, Marseille, Jeanne Laffitte, 2009.les, Paris, La Découverte, 2012, p. 671-680.

    ARTICLES REVUES

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    Baby-Colin, Virginie, et Mourlane, Stéphane, «Histoire et mémoire du grand Saint-Barthélémy à Marseille. Entre immigration, politique de la ville et engagement associatif», Diasporas, histoire et sociétés, n°17, pp.26-41. http://halshs.archives-ouvertes.fr/docs/00/78/45/22/PDF/pdf_St_Barth_V1.pdf.

    Abdallah, Mogniss H., «1983: La marche pour l'égalité», Plein Droit n° 55, décembre 2002.

    Donzel, André, Moreau, Alain, "Ville et intégration : le creuset marseillais", Faire Savoirs, n°5, décembre 2005.

    Morel, Bernard, "Marseille, d'une économie à l'autre", Faire Savoirs, n°5, décembre 2005.

    Donzel, André, "Marseille : une métropole duale ?", Faire Savoirs, n°5, décembre 2005.

    Bresson, Thomas, "Les mutations des structures socio-résidentielles marseillaises entre 1990 et 1999.", Faire Savoirs, n°5, décembre 2005.

    Pigenet Michel,Tartakowsky, Danielle (dir.), dossier « Marches », Mouvement social, n°202, 2003.

    Moreau, Alain, "L'importance de l'identité locale chez les adolescents marseillais", Faire Savoirs, n°5, décembre 2005.

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    Leveau, Rémy, "Les beurs dans la cité", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°44, octobre-décembre 1994, pp. 65-71. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1994_num_44_1_3113

    Wihtol de Wenden, Catherine, "La beurgeoisie", Empan, 3, n°71, 2008, p. 69-73. http://www.cairn.info/revue-empan-2008-3-page-69.htm

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    JOURNAUX

    Beau, Nicolas, «Le inch' Allah du cardinal», Le Monde, 3 décembre 1983.

    AUDIOVISUELS

    Abdallah, Mogniss H., et Fero, Ken, Douce France, la saga du mouvement "beur" , Laos France, Agence IM'média - Migrant Media. 1993 www.histoire-immigration.fr/2011/9/douce-france-la-saga-du-mouvement-beur.

    INA: La Marche pour l'égalité et contre le racisme (passage sur Marseille), 3 décembre 1983: http://www.ina.fr/video/LXC00011694/l-arrivee-de-la-marche-pour-l-egalite-et-contre-le-racisme-a-paris-video.html.

    Radio Gazelle, Des jeunes contre l'hystérie raciste, Diffusion France 3 national, Prod.Vidéo13, 1988.

    WEBOGRAPHIE

    Abdallah, Mogniss H., «"Yaoulidi" Lahouari Ben Mohamed: Retour sur l'histoire», Med'in Marseille, 19 octobre 2011: http://www.med-in-marseille.info/spip.php?article1608.

    Alouti, Fériel, «L'histoire oubliée de la marche pour l'Égalité», Med'in Marseille, 29 octobre 2013: https://marcheegalite.wordpress.com/tag/boukenouche/.

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