Camp de Bias (Bias, Lot-et-Garonne)

  • Date :

    1930

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    Le camp d'Astor ou Paloumet fait partie du domaine militaire après la Première Guerre mondiale, situé en plein champ à quelque trois kilomètres du bourg de Bias. Le camp de Bias est construit en 1930 pour héberger des ouvriers espagnols affectés à la construction d'une poudrière à Sainte-Livrade-sur-Lot. Des républicains espagnols y sont installés après 1936, et durant la guerre 1939-1945, des résistants y sont enfermés. Avant la Deuxième Guerre mondiale et après la défaite de 1940, environ 20.000 travailleurs recrutés ou enrôlés de force au Viet-Nam au titre de la « contribution des colonies à l'effort de guerre » et envoyés en France pour travailler dans les usines, notamment les usines d'armement, vivent dans l'ancien camp militaire situé au lieu-dit « Paloumet ». Certains de ces « ouvriers non spécialisés » (ONS) sont d'ailleurs détenus pour avoir exprimé leur sympathie pour les mouvements d'indépendance du Viet-Nam. Ainsi, en février 1948, plus de 120 travailleurs sont arrêtés, dirigés sur le camp de Bias, et embarqués ensuite vers l'Indochine. Le même scénario se reproduit en juillet pour plus de 300 autres travailleurs. Sur le plan national, si environ un millier de travailleurs indochinois choisissent l'installation définitive en France, la majorité est progressivement rapatriée en Indochine jusqu'en 1952.

    Après la bataille de Diên Biên Phu et les accords de Genève de 1954, suivis du retrait de la France du Sud-Viet-Nam, l'État français prend en charge ces épouses vietnamiennes de soldats français, leurs enfants métis et tous les Vietnamiens et Eurasiens engagés dans l'armée française, qui fuyaient la guerre et la victoire du Viêt-Minh. En avril 1956, arrivent 1.160 réfugiés, dont 740 enfants. Le camp de transit de Bias sert ainsi à loger « provisoirement » dans les longs baraquements exigus aux toits d'éverite les rapatriés d'Indochine, trop nombreux pour être tous accueillis par le « Centre d'accueil des Rapatriés d'Indochine » de Sainte-Livrade. Les habitants vivent dans un confort rudimentaire, des aides accordées par l'État, de la cueillette des fruits et légumes (haricots verts, tomates) chez les agriculteurs de la vallée du Lot et du travail à la chaîne dans les conserveries locales (Casseneuil, Villeneuve-sur-Lot). Leurs enfants étaient scolarisés dans l'école installée dans deux bâtiments du camp. Au début des années soixante, les derniers habitants de ce CARI (Camp d'Accueil des Rapatriés d'Indochine), devenu entre temps CAFI (Camp d'Accueil des Français d'Indochine), quittent leurs logements pour s'installer dans différentes villes de la région ou au CAFI de Sainte-Livrade-sur-Lot, commune limitrophe où résident encore aujourd'hui, en partie dans de nouveaux logements, quelques familles et personnes âgées d'origine vietnamienne.

    En janvier 1963, le camp de transit et de reclassement de Bias héberge dorénavant des familles d'anciens harkis, réfugiés après les Accords d'Evian, dans les camps de Bourg-Lastic, Le Larzac, Rivesaltes et Saint-Maurice l'Ardoise. Le camp de Bias rouvre ainsi ses portes et accueille les célibataires en formation professionnelle et des familles avant de les reclasser. Il devient, à partir de 1964, le Centre d'accueil des rapatriés algériens (CARA), plus particulièrement dévolu aux familles considérées comme « irrécupérables » (veuves, handicapées, etc.). Les jeunes, nés en Algérie ou en France, deviennent rapidement majoritaires : 54 enfants de moins de 15 ans sur un millier d'habitants en 1968 ; 441 personnes ont moins de 20 ans sur les 700 habitants en 1975. La cité est cernée de barbelés et la vie y est très réglementée. Les premières années, le clairon rythme les journées, la présence au lever du drapeau est quasi obligatoire et la surveillance du camp est assurée par la gendarmerie. Si ces pratiques disparaissent, d'autres leurs survivent, édictées par un règlement intérieur concernant la circulation, la discipline, l'hygiène des habitants. Une école fonctionne à l'intérieur du camp.

    L'administration du camp bascule finalement à la ville de Bias, suite à la révolte des habitants durant l'été 1975. Malgré les promesses de destruction du camp, il faut attendre 1983 et surtout 1989 pour que des premières démolitions se produisent et que soient construits des pavillons sociaux avec plus de confort certes, mais toujours dans cet espace de relégation.

  • Sources complémentaires :

    Site de Pierre Daum, Immigrés de force, les travailleurs indochinois de la Seconde Guerre mondiale (consulté le 6 mai 2013)

  • Références :

    OUVRAGES ET ARTICLES

    Daum Pierre, Immigrés de force : les travailleurs indochinois en France (1939-1952) , Arles, Actes Sud, 2009, 277 p.

    Daum Pierre, « L'engagement des travailleurs indochinois en France en faveur de l'indépendance du Vietnam (1943-1952) », in Migrance , n°39, premier semestre 2012, pp. 21-32.

    Daum Pierre, « Quand la Camarque était vietnamienne », GEO Histoire , n°8, avril-mai 2013, p.118

    Jammes Patrick, Médecin des harkis au camp de Bias (1970-2000) , Paris, L'Harmattan, 2012, 140 p.

    Kerchouche Dalila, Mon père, ce harki , Paris, Seuil, 2003, 252 p.

    Luguern Liêm-Khê, « Les travailleurs indochinois en France de 1939 à 1948 », in Bulletin du centre d'histoire de la France contemporaine , n° 10, Université Paris X, 1989, pp. 5-21.

    Luguern Liêm-Khê, « Les travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre Mondiale », in Carnets du Viêt Nam , n°15, juin 2007, pp. 21-24.

    Luguern Liêm-Khê, « Ni civil ni militaire : le travailleur indochinois inconnu de la Seconde Guerre Mondiale », in Le Mouvement Social , n°219-220, 2007, pp. 185-199.

    Pierret Régis, « Les enfants de harkis, une jeunesse dans les camps », in Pensée plurielle , n°14, 2007, pp.179-192.

    Rolland Dominique, Petits Viet-Nams , Elytis, 2009, 208 p.

    Roux Michel, « Bias, Lot-et-Garonne : le camp des oubliés », in Hommes et migrations , n°1135, septembre 1990, pp. 41-45.

    MÉMOIRES ET THÈSES

    Angeli Pierre, Les Travailleurs indochinois en France pendant la Seconde Guerre mondiale (1939-1945) , thèse de doctorat, faculté de droit de l'Université de Paris, 1946, 212 p.

    Etchegaray Monique, Un camp d'accueil de réfugiés algériens en France : Bias , thèse de doctorat en médecine, Université de Bordeaux II, octobre 1973.

    Lanoizelez Aude, La Cité d'Accueil de Rapatriés Algériens (CARA) de Bias, du camp au ghetto : socio-histoire d'un lieu d'hébergement de Harkis oublié (1963-2000) , Master 2 d'histoire, Université Paris 1, 2008.

    Pouvreau Marie-Madeleine, Les problèmes médico-sociaux d'une population de Musulmans rapatriés. Les Harkis au centre d'accueil de Bias , thèse de médecine, Université de Bordeaux II, 1971.

    Tran-Nu Liêm-Khê (aujourd'hui : Luguern), Les Travailleurs indochinois en France de 1939 à 1948 , mémoire de maîtrise sous la direction de Philippe Vigier. Université de Paris X, 1987/1988, 254 p.

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