Camp de Rivesaltes (Rivesaltes, Pyrénées-Orientales)
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Date :
1938-2007
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Notice historique :
Présentation du contenu
Le camp Joffre, dit «camp de Rivesaltes », a été fondé en 1938. De 1939 à 2007, ce camp militaire a accueilli diverses strucrures de regroupement de civils ou de militaires vaincus. En 1939, dès la mobilisation, le camp est utilisé en transit pour les militaires en attente d'affectation.
Durant la Seconde Guerre mondiale, outre le passage de travailleurs indochinois et de troupes coloniales, sont internés dans un «centre d'hébergement» des ressortissants étrangers de « puissances ennemies », des républicains espagnols fuyant le régime de Franco, des familles de Tziganes français et des Juifs étrangers. Les familles sont séparées avec des baraques pour les hommes, d'autres pour les femmes et les enfants (jusqu'à 14 ans). Au 31 mai 1941, le camp compte ainsi 6 475 internés: plus de la moitié sont Espagnols, les Juifs étrangers représentent plus du tiers. Le 26 août 1942, commencent les opérations de ramassage des Juifs étrangers de la zone Sud et leur regroupement au Centre national de rassemblement des Israélites de Rivesaltes. Plusieurs convois partent pour Drancy, puis vers Auschwitz. En novembre 1942, après le débarquement en zone libre, les troupes allemandes s'installent au camp Joffre. Durant ces deux années, 21 000 personnes ont ainsi été internées au camp de Rivesaltes. A la Libération, un « centre de séjour surveillé » est créé au camp de Rivesaltes dans le cadre de l'épuration, et ce jusqu'en 1946. Entre 1944 et 1948, le camp compte aussi plusieurs milliers de prisonniers de guerre allemands et italiens.
Le camp de Rivesaltes fonctionna aussi, dans des usages différents, durant la guerre d'Algérie et ses conséquences: centre militaire pour les appelés, centre de transit et de passage pour les troupes envoyées en Afrique française du Nord (AFN), centre militaire de formation professionnelle à destination des appelés et engagés français de souche nord-africaine (FSNA) dans le cadre de l'action psychologique contre l'influence du Front de libération nationale (FLN) (1958-1962), centre pénitentiaire pour l'internement de militants nationalistes algériens (janvier mai 1962). Après avoir servi à héberger des tirailleurs algériens et leurs familles de juin à septembre 1962, le camp a ensuite reçu, entre septembre 1962 et décembre 1964, les familles d'anciens supplétifs, devenant le nSud central des structures d'accueil mises en place à destination de ces « refugiés musulmans ».
Soumises à un encadrement militaire et à la gestion administrative du ministère des Rapatriés, confrontées à des conditions de vie précaire, logées sous des tentes puis dans des baraquements, ces familles ont effectué dans le camp de transit de Rivesaltes des séjours de durée variable: quelques jours pour certaines, plusieurs années pour d'autres. Elles furent ensuite progressivement reclassées dans toute la France, massivement dans les mines, la sidérurgie et les industries du Nord et l'Est ou dans les chantiers forestiers de l'Office national des forêts, à raison de 25 familles par hameau, principalement dans le Languedoc-Roussillon et en Provence-Alpes-Côte d'Azur. Les dernières familles considérées comme «irrécupérables» terme administratif employé à l'époque ont été envoyées à la fin de l'année 1964 à la «cité d'accueil» de Saint-Maurice l'Ardoise dans le Gard. Au total, environ 20000 personnes s'y sont entassées entre septembre 1962 et le 31 décembre 1964. Un hameau forestier, regroupant une vingtaine de famille, est resté en fonction sur le site jusqu'à la fin des années 1970. Elles ont ensuite été relogées à la Cité du Réart sur la commune de Rivesaltes.
Hormis la présence brève de militaires guinéens et d'anciens déserteurs du Corps expéditionnaire français d'Extrême-Orient (CEFEO) entre 1964 et 1966, le camp est rendu à sa première vocation, l'entraînement des militaires, pour quelques années. En 1986, est finalement créé un centre de rétention administrative, qui devient l'un des plus importants centres de rétention des immigrés clandestins. Il déménage en 2007.
De nos jours, le camp de Rivesaltes est devenu un espace symbolique, un lieu de mémoire à ciel ouvert. Après la pose, en 1994, d'une stèle à la mémoire des Juifs déportés du camp de Rivesaltes vers Auschwitz, une plaque a été inaugurée, le 2 décembre 1995, «aux soldats réguliers et aux supplétifs issus de l'Armée d'Afrique », en hommage notamment aux anciens harkis qui ont vécu dans ce camp, puis surmontée, en septembre 2001, par une stèle commémorative. D'autres stèles sont ensuite inaugurées: le 30 octobre 1999 à la mémoire des républicains espagnols; le 13 décembre 2008, à l'initiative de la Cimade, «aux milliers d'hommes et de femmes dont le seul tort étaient d'être étrangers» en référence au Centre de rétention administrative qui venait d'être fermé; et le 14 janvier 2009, à la mémoire des Tziganes internés. Des commémorations individuelles et collectives s'y sont succédées depuis. Depuis le 18 juillet 2000, l'îlot F du camp de Rivesaltes, avec l'ensemble de ses baraquements, fait l'objet d'une inscription au titre des monuments historiques. A l'initiative du Conseil général des Pyrénées-Orientales puis du Conseil régional Languedoc-Roussillon, un projet de Musée-Mémorial du camp de Rivesaltes est en cours de réalisation, qui veut faire de ce futur établissement un lieu d'histoire, de mémoires et de culture.
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Références :
MÉMOIRES ET THÈSES
Boitel Anne, Construire ses outils et le savoir enseigné : de la démarche de l'historien à celle de l'enseignant. Étude de cas à partir du camp de Rivesaltes pour l'enseignement des notions d'éducation civique en classe de 4ème , mémoire IUFM, Académe de Montpellier, site de Perpignan, 2003, 83 p.
OUVRAGES ET ARTICLES
Bohny-Reiter Friedel, Journal de Rivesaltes 1941-1942 , traduit de l'allemand par Michèle Fleury-Seegmüller, Carouge-Genève, Zoé, 2010.
Boitel Anne, Le Camp de Rivesaltes 1941-1942 , Perpignan, Presses Universitaires de Perpignan/Mare Nostrum, 2001.
Moumen Abderahmen, «Camp de Rivesaltes, camp de Saint-Maurice l'Ardoise. L'accueil et le reclassement des harkis en France (1962-1964). » in Les Temps Modernes , n° 666, novembre-décembre 2011, pp. 105-119.
Peschanski Denis, La France des camps , Paris, Gallimard, 2002.
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Auteur de la notice :
Génériques