Quartier La Cayolle, Marseille (Bouches-du-Rhône), Marche pour l'égalité et contre le racisme, 15 octobre 1983

  • Date :

    1983

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    «Marseille, La Cayolle le 15 octobre. La Cayolle, c'est un symbole. C'est pour cela que les jeunes des «Minguettes» ont décidé de partir de là, pour marcher à travers la France.» (Françoise Gaspard, in Sans Frontière, n°80, novembre 1983, p. 23).

    Le 15 octobre 1983, la Marche pour l'égalité et contre le racisme part symboliquement de Marseille premier port d'arrivée des immigrés algériens pour traverser la France, parcourant la ville du sud au nord. Le lieu de rassemblement pour le départ de la Marche est situé au quartier de la Cayolle, situé au sud de la ville et bordé par la calanque de Sormiou.

    Le quartier de la Cayolle constitue un lieu symbolique de l'histoire des migrations à Marseille. Entre 1944 et 1966, lieu transitoire de l'immigration, ce territoire rural progressivement urbanisé, que l'on nomme alors le camp du Grand Arénas, accueille et voit partir différentes populations. Au terme de la Seconde Guerre mondiale, le camp du Grand Arénas abrite des travailleurs vietnamiens en attente de rapatriement pour l'Indochine. Le lent rétablissement des liaisons maritimes ainsi que la priorité donnée aux transports de troupes militaires ont pour effet de prolonger leur séjour, ce qui fait dire à certains que le camp est occupé par des Vietnamiens.

    Le camp n'a cependant jamais été exclusivement une «enclave vietnamienne». S'y regroupe aussi des Juifs d'Europe centrale et d'Allemagne, dont certains des rescapés des camps de concentration, décidés à gagner la Palestine, légalement ou non. Durant les années 1950, ceux-ci laissent la place à des Juifs d'Afrique du nord, principalement marocains. La majorité d'entre eux transitent par le camp du Grand Arénas, jouant ainsi, jusqu'au milieu des années 1960, le rôle de transit entre l'Afrique du Nord et Israël. Durant cette période, le camp du Grand Arénas n'abrite, néanmoins, pas seulement des étrangers. A partir des années 1950, mal logés et pauvres logent dans des baraques, d'autres y sont provisoirement logés par les pouvoirs publics dans des conditions de vie précaires. Des structures associatives et religieuses, telles que la Cimade et les soeurs dominicaines en particulier, apportent aide et assistance aux populations du camp. A partir des années 1960, le bidonville de la Cayolle est résorbé par des baraques qui devaient être provisoires. Lestravailleurs algérienset leur famille en «attente»de logement durables y transitent ainsi. Les derniers tonneaux du bidonville du Grand Arénas disparaissent en 1973 dans le cadre de la résorption de l'habitat précaire. Le quartier de la Cayolle est érigé sur les décombres du bidonville.

    Le 14 mars 1983, la campagne électorale des municipales exacerbant les questions sécuritaires, deux hommes en moto lancent une bombe à 16h00 dans le quartier de La Cayolle, blessant un jeune enfant gitan et en blessant un autre. L'attentat est revendiqué par le groupe Charles Martel, groupe armée français d'extrême droite, prolongeant d'une certaine manière cette guerre d'Algérie qui n'en finit pas.

    La Marche pour l'égalité et contre le racisme part ainsi du quartier de la Cayolle le 15 octobre 1983, afin de dénoncer le climat raciste et les agressions en direction des travailleurs immigrés et de leur famille. Le comité de soutien de la Marche comprend la section locale de la Cimade, le comité «Jeunes Immigrés», qui sont les auteurs de la demande d'autorisation du passage de la Marche à la préfecture, le Centre d'information et de documentation sur l'immigration et le Maghreb (CIDIM), Radio Gazelle (dont les membres ont activement participé à l'accueil des marcheurs) et d'une responsable du MRAP local. Malgré la mobilisation tardive et avec peu de moyens, c'est environ une trentaine de personnes qui est donc présent au début de la Marche, dont Roby Bois, secrétaire général de la Cimade, et les 17 premiers marcheurs. Un rassemblement a lieu au centre social de la Cayolle, avec l'appui de l'association des Jeunes de la Cayolle. Malgré une faible participation, la présence d'élus et de représentants du gouvernement e personnalités politiques et médiatiques à cette première étape est perçue comme un élément décisif pour la poursuite de la Marche. Ainsi, sont présents Françoise Gaspard, députée et ancienne maire de Dreux, ville symbolique marquant l'ascension du Front national, Jean Blocquaux, chargé de mission au cabinet de Georgina Dufoix, secrétaire d'Etat à la Famille, à la Population et aux Travailleurs immigrés, M. Prunetta, conseiller municipal, Daniel Carrières, secrétaire général d'Échanges méditerranée, ainsi que Claude Servan-Schreiber, rédactrice en chef de F magazine.

    Après le départ de la Marche à la Cayolle, les marcheurs effectuent les 10 kilomètres qui les séparent du « vieux port» de Marseille où se tient la conférence de presse à l'hôtel de ville et où les attendent une centaine de personnes. Les slogans suivants sont scandés: «Rengainez, on arrive», «première, deuxième, troisième génération, nous sommes tous des enfants d'immigrés» et «Antillais, Polonais, Français, Maghrébins, Juifs, tous contre le racisme». Ils poursuivent ensuite la Marche en direction des quartiers Nord, comme ceux de Bassenset des Flamants.

  • Sources complémentaires :

    Sources complémentaires

    Fonds Sans Frontière:

    La «Beur» génération, Sans Frontière, spécial Sans Frontière n° 92-93 (chronologie événementielle de 1979 à 1985 et l'été meurtrier 1983).

    Fonds Bonneau:

    A1. Politiques d'immigration, polémique, réactions associations et partis politiques, La Marche 1983. (1972-1984).

    B10. Crimes et agressions racistes, chronologie des crimes commis depuis 1980... (1980-1990).

    L49. Associations, MRAP, fonctionnement interne, assises et congrès, CR BN, bulletin d'information, campagne (1981-1995).

    L58. Associations diverses, FAS, France Plus, Texture, LDH... (1982-1995).

    Dossiers «Discriminations» (M61. Travailleurs immigrés, syndicats, clandestins (1981-1998). M.64. Accès loisirs, études, retraite, regroupement familial, conditions féminine (1983-1996)), «Statistiques» (O68. 1983-1997) et «Pays d'origine, immigration par communauté» (Q72. 1981-1996).

    Archives oralesissues de la campagne de Génériques sur les «luttes et mobilisations de l'immigration 1968-1988» : témoignages de Driss El Yazami, Yamina Benchenni, Marilaure Mahé, Saïd Mérabti, Ramzi Tadros.

    http://odysseo.org.

    www.generiques.org/migrance.

    SOURCES D'ARCHIVES PUBLIQUES

    Archives départementales des Bouches-du-Rhône : série W :

    1693 W1-248 Préfecture des Bouches-du-Rhône/ Affaires traitées par le cabinet : dossiers territoriaux concernant la vie politique, la vie économique et sociale du département, 1945-1995.

    9 AV 49 6 entretien avec C BRUSCHI qui a été partie prenante de la Marche pour l'égalité d'octobre 1983.

    16 AV 3 Marie laure MAHE, formatrice en travail social, elle participe à la Marche pour l'égalité et contre le racisme en 1983 au départ de Marseille.

    16 AV 6 Saïd BOUKENOUCHE, professeur d'anglais dans le quartier de la Belle de Mai à Marseille. Président de sections de la LDH. Marcheur à l'occasion de la Marche pour l'égalité et le racisme.

    SOURCES IMPRIMEES : consultables aux archives départementales des Bouches-du-Rhône

    PHI 419 361 La Marseillaise (édition de Marseille), octobre 1983 :

    La Marseillaise, vendredi 14 octobre 1983. «La Bricarde, les racistes ont encore frappé».

    PHI 420 385 Le Provençal (édition de Marseille), octobre 1983 :

    Le Provençal, 14 octobre 1983, «Attentat à la Bricarde».

    Le Provençal, dimanche 16 octobre 1983, «Action anti-racisme. La marche pour l'égalité des droits».

    COLLECTIONS DES MUSÉES FRANÇAIS

    Musée de l'histoire d' l'immigration : http://www.histoire-immigration.fr/la-cite/repertoire-de-projets/memoire-de-la-cayolle.

  • Références :

    OUVRAGES

    Abdallah, Mogniss H., Rengainez, on arrive: chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la hagra policière et judiciaire, des années 1970 à nos jours, Paris, Libertalia, 2012.

    Amara Salika, La marche de 1983, une pierre à l'édifice des luttes de l'immigration, Editions FFR, 2013.

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    Bouamama, Saïd (préf.Abdallah, Mogniss H.), Dix ans de marche des Beurs: Chronique d'un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.

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    Delorme, Christian, La Marche, Montrouge, Bayard, 2013.

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    Hajjat, Abdellali, La Marche pour l'égalité et contre le racisme, Paris, Éditions Amsterdam, 2013.

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    ARTICLES DE REVUES

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    JOURNAUX

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    AUDIOVISUELS

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    Radio Gazelle, Des jeunes contre l'hystérie raciste, Diffusion France 3 national, Prod.Vidéo13, 1988.

    WEBOGRAPHIE

    Abdallah, Mogniss H., ««"Yaoulidi" Lahouari Ben Mohamed: Retour sur l'histoire», Med'in Marseille, 19 octobre 2011: http://www.med-in-marseille.info/spip.php?article1608.

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    Association Ancrages, «Sur les traces du grand Arenas, lecture d'un morceau de ville», http://ancrages.org/nos-actions/balades-patrimoniales/sur-les-traces-du-grand-arenas-lecture-dun-morceau-de-ville/.

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