Camp de Saint-Maurice-l'Ardoise (Saint-Laurent-des-Arbres, Gard)

  • Date :

    1939

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    Construit en 1939 pour loger le personnel travaillant à la fabrication de munitions au dépôt militaire du Génie, le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, situé dans le Gard, à une vingtaine de kilomètres d'Avignon en direction de Nîmes, reste cependant inutilisé de 1941 à 1942 avant d'abriter, jusqu'en 1944, des Chantiers de la jeunesse française (CFJ). En 1945, les Russes blancs incorporés dans l'armée allemande y sont hébergés avec leurs familles. De 1945 à 1957, les bâtiments sont à nouveau inoccupés, mais les 15 hectares du camp servent occasionnellement de terrain d'entraînement pour les compagnies républicaines de sécurité.

    Pendant la guerre d'Algérie, il sert de Centre d'assignation à résidence surveillée (CARS) pour des militants du Front de libération nationale (FLN) et du Mouvement national algérien (MNA, 1958-1961), puis de janvier à juillet 1962, pour environ 200 activistes ou sympathisants de l'Algérie française et des personnes suspectées d'appartenir à l'Organisation armée secrète (OAS), dont certains s'évadent spectaculairement en février 1962.

    Le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise devient le quatrième camp de harkis ouvert en France, le 29 octobre 1962, après ceux du Larzac, de Bourg-Lastic et de Rivesaltes, où les anciens supplétifs et leurs familles étaient « rassemblés en attendant leur recasement ultérieur en France ». Ouvert après le décret du 8 août 1962 qui distinguait les « camps de transit », les « cités d'accueil » et les « hameaux forestiers », il est d'abord considéré comme un « camp de transit ». Le 5 janvier 1963, l'effectif maximum est atteint avec 5 542 personnes (2 246 hommes, 1 082 femmes et 2 214 enfants). Encadrées par une compagnie militaire, les familles sont reclassées sur l'ensemble du territoire national. Près de 10 000 personnes transitent ainsi par le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise, jusqu'à sa fermeture le 1er décembre 1963.

    Au début de l'année 1965, le camp de Saint-Maurice devient une « cité d'accueil et d'hébergement » pour les personnes jugées « incasables » ou « irrécupérables », c'est-à-dire « inaptes au travail », « dépourvues de ressources » ou « incapables de vivre en milieu ouvert sans assistance sociale et sanitaire ». Dès lors, le camp héberge autour de 800 personnes, veufs ou veuves, infirmes, âgées ou malades souffrants de troubles physiques ou psychologiques, souvent accompagnés de leurs familles, vivant isolées et dans des conditions d'hébergement qui ne cessent de se dégrader.

    Durant l'été 1975, le camp a été, avec celui de Bias, le principal foyer du mouvement de révolte des « harkis », qui s'est étendu à tout le pays. Quelques jours après Bias, la révolte y a éclaté le 19 mai 1975 et s'est poursuivie jusqu'en septembre. Le 19 juin, le directeur du camp a été pris en otage par des jeunes ayant grandi dans le camp, armés et cagoulés. Le mouvement a conduit le Conseil des Ministres du 6 août à annoncer la fermeture des camps et des mesures en faveur de l'indemnisation, du logement, de la formation professionnelle et de l'emploi des harkis et de leurs enfants.

    Le camp de Saint-Maurice-l'Ardoise est fermé officiellement le 31 décembre 1976, puis rasé, après avoir relogé l'ensemble des familles dans le Gard et les départements voisins. Il reprend finalement son usage premier de camp militaire. En 1992, une plaque en hommage aux harkis est apposée dans le camp.

  • Références :

    OUVRAGES ET ARTICLES

    Charbit Tom, Saint-Maurice-l'Ardoise. Socio-histoire d'un camp de harkis (1962-1976) , rapport pour la Direction de la Population et des Migrations (Ministère de la Cohésion sociale), mai 2005, 269 p.

    Lavrut Didier, « S'évader de Saint-Maurice-l'Ardoise », in Matériaux pour l'histoire de notre temps , n°92, octobre-décembre 2008, pp. 37-44.

    Moumen Abderahmen, « Camp de Rivesaltes, camp de Saint-Maurice l'Ardoise. L'accueil et le reclassement des harkis en France (1962-1964). » in Les Temps Modernes , n° 666, novembre-décembre 2011, pp. 105-119.

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