Camp du Larzac (La Cavalerie, Aveyron)

  • Date :

    1902

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    Achevé en 1902, le camp d'entraînement militaire, situé sur la commune de La Cavalerie, occupe une large part du plateau du Larzac, avec une superficie d'environ 3 000 hectares, et culminant à une altitude de 900 mètres. Dès la fin du mois de janvier 1939, les nombreux républicains espagnols réfugiés en France représentent pour les autorités un poids économique et un danger pour la sécurité intérieure. Les camps, érigés en hâte dans le sud-est et le sud-ouest du pays et destinés à les « héberger », se révèlent vite insuffisants. Tous ceux qui souhaitent rester en France sont alors soumis à des obligations militaires. De nombreux combattants rejoignent ainsi les 21e, 22e et 23e Régiments de Marche des Volontaires Étrangers (RMVE). Après trois mois au camp d'instruction du Barcarès (Pyrénées-Orientales), préalablement évacué des civils espagnols réfugiés, les régiments embarquent pour un séjour d'aguerrissement au camp du Larzac, qui a pour objectif de diversifier l'instruction. Le 22e régiment arrive ainsi au Larzac le 18 avril 1940, relevant le 21e qui retourne au Barcarès. L'instruction est répartie selon quatre axes principaux : tirs, travaux de campagne, exercices de combat, exercices de nuit. Les groupes de combat en profitent pour consolider les acquis et les mettre en pratique sur le terrain. Entre 1940 et 1941, le camp du Larzac accueille aussi la 41e compagnie de travailleurs étrangers (CTE), composée essentiellement d'exilés espagnols. Ces unités étaient composées théoriquement de 250 individus et devaient participer à des travaux de caractère stratégique ou d'intérêt général dans les zones frontalières ou dans des camps militaires de l'intérieur du pays comme au Larzac.

    En décembre 1943 le camp du Larzac est finalement réquisitionné par l'armée allemande et accueille 1 400 hommes. Les Allemands installent au camp des radars à longue portée, des batteries de tir anti-aérien, des blockhaus et des casemates. A la Libération du camp, plus de 10 000 prisonniers allemands y sont détenus jusqu'en 1948, avant de redevenir un camp pour les formations militaires estivales.

    C'est à l'occasion des « événements d'Algérie » que le Ministère de l'Intérieur français obtient, en 1957, la possibilité de recourir à nouveau à l'internement administratif collectif. Après l'offensive du Front de libération nationale (FLN) en France en 1958, une ordonnance est prise en Conseil des ministres permettant aux préfets de procéder à des internements administratifs en métropole, complétant en cela la loi du 26 juillet 1957 qui étend à la France les dispositions de la loi dite des « pouvoirs spéciaux ». L'ordonnance du 8 octobre 1958 autorise l'internement administratif ou l'assignation à résidence des « personnes dangereuses pour la sécurité publique, en raison de l'aide matérielle, directe ou indirecte, qu'elles apportent aux rebelles des départements algériens ». Sont ainsi mis en place progressivement en métropole quatre centres d'assignation à résidence surveillée (CARS) à Mourmelon-Vadenay (Marne), Saint-Maurice l'Ardoise (Gard) , Thol (Ain) et Le Larzac (Aveyron), complétant l'emprisonnement dans les centres pénitentiaires des militants nationalistes algériens.

    Le camp du Larzac est ainsi mis à disposition du Ministère de l'Intérieur par le Ministère des Armées. Après des mois de travaux, le Larzac devient le plus grand centre d'assignation à résidence surveillée (CARS) du pays. Ouvert le 8 avril 1959, le camp accueille plus de 3 000 internés dès le mois de décembre, séparés en deux pôles : selon que les internés soient considérés comme « radicaux » ou « modérés ». Les visites des délégués de la Croix-Rouge (CICR) et des membres du service nord-africain du Comité inter-mouvements auprès des évacués (CIMADE) conduisent à une dénonciation des conditions de détention des assignés, dans une région où les conditions climatiques sont rigoureuses. Le 28 juin 1959, une manifestation, exigeant la fermeture du camp, a lieu devant le camp militaire du Larzac et devant la sous-préfecture de Millau. La contestation s'organise aussi dans le camp où grèves de la faim, refus des soins, revendications politiques et plaintes contre les gardes mobilisent les assignés, sur lesquels la mainmise du FLN est encore forte. Le camp est ainsi perçu par l'administration comme une « colonie de l'Algérie libre ». Au 31 mars 1962, après le cessez-le-feu, ils sont encore 1 679. Finalement, durant toute la période du camp d'assignation, et d'après les registres d'écrou, 4 898 Algériens ont été libérés en France et 4 786 transférés en Algérie.

    A partir de juin 1962, le camp constitue l'un des centres d'accueil des rapatriés d'Algérie (CARA) destiné à héberger les anciens harkis et leurs familles. Près de 12 000 d'entre eux ont ainsi été hébergés sous des tentes, d'où son nom de « camps des mille tentes ». En septembre 1962, les familles, qui n'ont pas été reclassées, sont transférées majoritairement vers le camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) .

    Le camp du Larzac retrouve finalement son usage militaire. Lors du mouvement écologiste et paysan opposé au projet d'extension du camp militaire en 1970-1973, il devient un lieu emblématique de l'histoire politique et sociale de la France contemporaine.

  • Références :

    OUVRAGES ET ARTICLES

    Benassar Bartolomé, L'apport des réfugiés espagnols à l'économie (1939-1941) , in Martin Malvy, José Jornet (dir.), Républicains espagnols en Midi-Pyrénées : exil, histoire et mémoire , Toulouse, Presses universitaires du Mirail, 2005, pp.155-161.

    Bernardot Marc, Entre répression policière et prise en charge sanitaire et sociale : le cas du centre d'assignation à résidence du Larzac (1957-1963) , in Bulletin de l'IHTP , n°83, 2004, pp.83-93.

    Bernardot Marc, Être interné au Larzac. La politique d'assignation à résidence surveillée durant la guerre d'Algérie (1958-1962) , in Politix , n°69, 2005/01, pp.39-61.

    Hamoumou Mohand, Jordi Jean-Jacques, Les harkis, une mémoire enfouie , Paris, Autrement, 1999, 137p.

    Leroy Stéphane, « Les exilés républicains espagnols des Régiments de Marche des Volontaires Étrangers. Engagement, présence et formation militaire (janvier 1939-mai 1940) », in Cahiers de civilisation espagnole contemporaine , 6/2010. [En ligne], http://ccec.revues.org/3285

    Marcy Jean-Philippe, « Le Larzac, 1959-1962. Entre une politique répressive et le pouvoir du FLN », in Sylvie Thénault (dir.), L'internement en France pendant la guerre d'indépendance algérienne , in Matériaux pour l'histoire de notre temps, n°92, oct.-déc. 2008, pp. 25-32.

    Marcy Jean-Philippe, « L'aide aux internés : La CIMADE au camp du Larzac (1959-1961) », in Raphaëlle Branche et Sylvie Thénault, La France en guerre 1954-1962, Expérience métropolitaine de la guerre d'indépendance algérienne , Paris, Autrement, collection mémoire/histoire, n°142, 2008, pp. 380-389.

    MÉMOIRES ET THÈSES

    Mekhloufi Kevin, « En voulant éliminer les individus suspects, on a institué un séminaire FLN, une colonie de l'Algérie libre ». Les rapports de force au sein du Centre d'assignation à résidence surveillée de Larzac durant la guerre d'Algérie (1959-1962) , Mémoire de master 2 d'histoire, sous la direction de Jean-Noël Luc, Université Paris 4, 2011, 157 p.

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