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Campagne d'archives orales "Histoire et mémoire de l'immigration, mobilisation et lutte pour l'égalité, 1968-1988" (collection audiovisuelle)

2012-2015  

Le projet « Histoire et mémoires de l'immigration : mobilisations et luttes pour l'égalité, 1968-1988 » initié en 2012 et achevé en 2015, a permis le recueil de témoignages filmés d'un corpus de 31 témoins représentatifs de l'histoire du militantisme social, culturel, intellectuel et politique autour de la question de l'immigration en France. Ont été interrogés des femmes et des hommes qui, par leur parcours, ont joué un rôle dans les mobilisations et les luttes pour l'égalité et ont contribué au changement des représentations des immigré-e-s.

Le choix de la période retenue, 1968-1988, n'est pas anodin. Ces 20 années, qui couvrent une partie des «années 68» et le premier septennat de François Mitterrand, ont été le théâtre de nombreuses luttes et mobilisations pour l'égalité des droits et la dignité ainsi que la reconnaissance des immigrés et de leurs enfants1. Avec ce basculement d'une décennie à l'autre, il s'agissait aussi d'observer les évolutions et les continuités dans ces luttes, le croisement des générations, notamment les différences et les similitudes entre deux âges du militantisme de l'immigration : celui des premiers immigrés et celui de leurs enfants, nés ou éduqués en France. En retenant ces bornes chronologiques, Génériques souhaite mener une réflexion autour de 1968 et sur les notions de continuités, césure, et de transition.

Il est important de préciser que le contexte international et la lutte pour la démocratie apparaissent dans de nombreux témoignages - la guerre d'Algérie, la répression au Maroc, l'Estado Novo de Salazar et la Révolution des Œillets au Portugal, la question palestinienne, les dictatures en Amérique latine (Chili, Argentine..), la lutte anticoloniale, etc... Même si la question des luttes dans le contexte international ne constitue pas la problématique première de la campagne, ces croisements impactent les mobilisations et luttes en France, plus précisément dans les expériences et les formes de militantisme des témoins. Ces croisements témoignent aussi du lien fort qu'entretiennent certains militants engagés pour l'égalité des droits des immigrés en France et la lutte contre les régimes en place dans les pays d'origine.

Le choix de l'année 1988 peut paraître moins évident. Il a fait l'objet de longues discussions au sein de l'équipe de Génériques et du comité de pilotage. Plusieurs facteurs concomitants justifient ce choix. Tout d'abord, le retour de la gauche au pouvoir, qui marque l'échec de dispositifs jugés discriminatoires et restrictifs envers les immigrés et leurs familles (réforme du code de la nationalité et lois sur l'entrée et le séjour des immigrés). De plus, l'année 1988 marque un tournant dans les politiques publiques envers les immigrés, lorsque que « intégration » devient le terme officiellement consacré pour définir la politique qualifiée jusque-là d'insertion2. Du côté des associations, les États généraux de l'immigration, organisés par des associations dites de l'immigration, et qui se tiennent à Saint-Denis en mai 1988, placent la question de la mémoire au cœur des débats. Ceux-ci tournent alors autour de la question de la sauvegarde de la mémoire des trois marches pour l'égalité et contre le racisme de 1983, 1984 et 1985. Un autre facteur décisif dans le choix de l'année 1988 sont les scores élevés du Front national aux élections présidentielles de mai 1988 (près de 15%). Au-delà de l'actualité des années 1968 et 1988, ces bornes chronologiques permettent aussi de croiser les sources écrites classées par Génériques, de nombreux fonds d'associations ou de particuliers actifs dans cette période3 dont certains ont été interrogés dans le cadre de cette campagne4.

 

1 La période est notamment marquée par les grèves et manifestations de mai-juin 1968, les grèves dans les usines, les mobilisations dans les foyers SONACOTRA, les mobilisations dans les bidonvilles et cités de transit, les comités, collectifs, et mouvements de travailleurs immigrés, les mobilisations contre les lois et circulaires Marcellin-Fontanet, Bonnet, puis Pasqua, les mobilisations contre les expulsions, les mobilisations contre les crimes racistes, la Marche pour l'égalité et contre le racisme, Convergence 84, les mobilisations pour le droit de vote des étrangers. Sur les luttes de l'immigration, voir Migrance n°25 52005), Migrance n°41 (2013).

2 Claude Évin, ministre de la Solidarité nationale, déclarait en juin 1988 devant le conseil d'administration du Fonds d'action sociale pour les travailleurs immigrés et leurs familles (FAS) : « Les étrangers qui résident actuellement en France y resteront, chacun en est aujourd'hui conscient ; parlons donc maintenant d'intégration plutôt que d'insertion».

3 Par exemple le Fonds de l'Association des travailleurs maghrébins de France (ATMF) classé par Génériques et déposé aux Archives nationales (voir l'inventaire sur Odysséo : http://odysseo.generiques.org/resource/a011426697543qv4b15)

4 Vasco Martins avait par exemple mis à disposition de Génériques un important fonds de périodiques portugais imprimés en France qui a été numérisé et est librement consultable dans le portail Odysséo.

 

Sélection des témoins

Plusieurs critères ont été retenus afin de parvenir à obtenir un large panel de témoins, avec la difficulté à réunir l'ensemble de ces derniers autour de 31 témoins seulement.

souci de parité : 11 des témoins sont des femmes - afin de mettre en lumière le rôle encore souvent occulté des femmes dans les sources (orales et écrites) de l'histoire de l'immigration et des luttes.approche selon le pays d'origine et la nationalité des acteurs : un panel large des nationalités mobilisées lors de ces luttes, acteurs immigrés mais aussi non-immigrés: parmi les témoins figurent des Tunisiens, des Marocains, des Algériens, des Sénégalais, des Latino-Américains, des Portugais, des Français de toutes origines, un Égyptien d'origine palestinienne, un Italien, une Turque, et un Vietnamien.échelle géographique large avec une approche régionale (Île-de-France, Lorraine, Alsace, Aquitaine...)changement d'échelle autour des acteurs et diversités des regards: leaders, militants anonymes ou « compagnons de route ». Une attention particulière a été portée sur le fait de ne pas interroger que des personnes dont on dispose par ailleurs de nombreux témoignages, tout en conservant l'impératif de représenter les grands moments de mobilisation.changement d'échelle entre structures nationales tels que les syndicats ouvriers et structures locales ou régionales (radio Gazelle à Marseille), mais aussi entre événements nationaux (Mai 68, Marche pour l'égalité et contre le racisme...) ou des actions locales (la Maison peinte de la Cimade à Nanterre)temporalité : des témoignages nous permettent de traverser notre cadre chronologique. D'autres mettent en évidence le croisement intergénérationnel des mobilisations («des luttes des «travailleurs immigrés» dans les années 1970 aux luttes de la «seconde génération» dans les années 1980)représentativité des niveaux sociaux : étudiants, travailleurs, intellectuels, institutionnels etc...représentativité associative, politique et syndicale (groupes autonomes comme le Mouvement des travailleurs arabes, syndicats ouvriers, partis politiques, collectifs, mouvements d'extrême-gauche).

Les témoins ont été interrogés une fois avec deux exceptions pour Driss El Yazami et Albano Cordeiro qui ont été revus pour approfondir ou poursuivre l'entretien. A noter aussi qu'un couple, Jean et Josée Frouin, qui a milité ensemble, notamment à la Ligue des droits de l'Homme, a souhaité témoigner au cours d'un même entretien.