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  • La rue est à nous ! Fêtes, immigration et espace public 1970-2005

La rue est à nous ! Fêtes,
immigration et espace public 1970-2005

Des années 1970 à nos jours, de nombreuses fêtes sont venues rythmer la vie des Français, dont une partie d'entre elles sont pleinement liées à l'immigration.

Dans les riches collections d’affiches de Génériques, nombre d’entre elles se font l’écho de ce type d'événements vécus souvent comme des moments de célébration ou de retrouvailles.

Par cette exposition virtuelle, nous vous invitons à découvrir un panel de nos ressources en questionnant l'affiche comme témoignage historique des manifestations liées à l'immigration dans l'espace public.

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Cette exposition virtuelle présente quatre chapitres. Pour naviguer de l’un à l’autre, utilisez les flèches directionnelles gauche/droite de votre clavier ou cliquez sur les flèches gauche/droite du pavé directionnel qui se situe en haut à droite de chaque page.

Au sein de chaque chapitre, plusieurs affiches sont présentées. Pour les consulter, utilisez de la même façon les flèches directionnelles bas/haut de votre clavier ou cliquez sur les flèches bas/haut du pavé directionnel qui se situe en haut à droite de chaque page.

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Faire la fête pour se faire (re)connaître

Festival pour le droit d'expression des travailleurs immigrés, Mouvement des travailleurs arabes (MTA), novembre 1979.


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Dans les années 1970, les immigrés ne sont pas reconnus comme une population dont la culture est à valoriser. Sous la présidence de Valéry Giscard d'Estaing, un axe politique sera mis en place ayant pour objectif principal de favoriser le retour des immigrés dans leur pays d'origine. Cet axe s'estompera progressivement avec notamment la mise en place du regroupement familial en 1976 donnant la possibilité aux membres d'une même famille étant séparés entre plusieurs pays de vivre ensemble en France.

La fête va donc apparaître dès les années 1970 comme un outil de reconnaissance pour une population marginalisée, souvent cantonnée à un rôle de travailleur. Certaines associations politiques comme le Mouvement des travailleurs arabes (MTA) et le Mouvement des travailleurs immigrés (MTI) vont venir ainsi organiser des fêtes culturelles pour exprimer le droit d'expression des immigrés.

Les affiches associées à ces événements sont marquées par une forte importance du texte. Le message qu'elles véhiculent est l'aspect le plus important et ne doit pas être masqué par l'esthétisme.

La fête : un outil de lutte pour ses droits

Alors premier pays d’immigration en Europe, un durcissement des politiques migratoires s'opère en France dans les années 1970 avec notamment lapplication des circulaires Marcellin-Fontanet (1972) qui limitent le droit de séjour en France des immigrés puis avec les lois Stoléru-Bonnet (1980-1981) qui instaurent l'aide au retour et la possibilité d'expulser les personnes en situation irrégulière.


Une série de conflits et de grèves de la faim, au fort retentissement, éclate un peu partout en France tandis que la résistance s’amplifie en un mouvement pour l'obtention de la carte de travail en 1973 (grève générale).


Dans ce contexte où d’autres mobilisations contre la montée du racisme et la lutte des foyers, l’organisation de fêtes par des syndicats, mouvements ou collectifs militants va permettre aux travailleurs immigrés de se retrouver autour de valeurs de solidarité et de se faire reconnaître comme dignes de droits.


Pour un savoir plus sur ces luttes, consultez l'exposition virtuelle « Mouvements et luttes des immigré-e-s contre les discriminations et pour l'égalité, 1972-1983 » ainsi que les articles d’Odysséo « Un demi-siècle de lois de l’immigration en France, 1932-1974 » et « Les « sonacos » ou la grève des loyers des résidents des foyers Sonacotra ».

Fête meeting antiraciste, Mouvement des travailleurs arabes de Barbès (MTA), Comité de défense de la vie et des droits des travailleurs immigrés (CDVDTI), 1974.

Le Mouvement des travailleurs arabes organise des fêtes pour montrer la solidarité qui existe entre travailleurs français et immigrés et lutter contre le racisme.
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Fête des travailleurs immigrés, Maison du peuple, juillet 1977.

Cette fête, organisée à Clermont-Ferrand par le Collectif de soutien aux travailleurs immigrés du Puy-de-Dôme a invité des personnes en lutte des foyers Sonacotra. On peut noter que l'affiche est en double langue, français et arabe.
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La fête : un vecteur politique

L’organisation de festivals et de soirées met en scène dans l’espace public une parole publique sur des cultures étrangères peu reconnues par la société française. Nouvelles en tant que forme d’expression et d’action de terrain, les activités culturelles sont une stratégie de contournement de l’interdit politique, notamment avant le droit aux associations étrangères de s’associer librement (1981).

Les affiches réalisées pour les faire connaître deviennent alors un témoignage précieux puisqu'elles permettent de conserver la trace de ces événements éphémères.

En savoir plus sur le droit d’association : article « Le droit d’association des étrangers et des immigrés » du blog Melting Post.

Festival culturel sur le Maghreb, 1ère édition, Forum, 1978.

Cette affiche est assez emblématique de la période : l'accent est mis non pas sur le graphisme mais sur le contenu.

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Festival des travailleurs immigrés en Europe, 4ème édition, Maison des travailleurs immigrés (MTI). avril 1979.

Le quatrième festival des travailleurs immigrés en Europe est consacré aux cultures populaires. L'affiche est rédigée en 8 langues.

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Théâtre portugais à Paris / Teatro português em Paris, Coordination des collectivités portugaises en France (CCPF), CCPF [1981].

Les associations culturelles portugaises sont très actives notamment dans le domaine théâtral. L'immigration portugaise est dans les années 1970 la deuxième immigration en France en nombre de ressortissants.

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La fête des enfants : célébrer l'union familiale

L'association culturelle La Goutte d'Or vous invite à la fête des enfants du 18e, Association culturelle La Goutte d'Or, juin 1978.


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En décembre 1978, l’arrêt « GISTI » marque une jurisprudence du Conseil d’État importante en érigeant en principe général du droit celui de l’étranger à mener une vie familiale normale dans le cadre du regroupement familial des travailleurs immigrés déjà légalisé et institutionnalisé par un décret de 1976. Il figure ainsi parmi les droits et libertés fondamentaux de valeur constitutionnelle reconnus à tous ceux qui résident sur le territoire de la République.


Afin de célébrer le rapprochement des familles, l'association culturelle de la Goutte d'Or (quartier cosmopolite du 18e arrondissement de Paris) organise la « Fête des enfants » pour promouvoir la diversité culturelle autour d'un moment de partage, d'échange et de convivialité. Cette fête anime encore à l'heure actuelle ce carrefour migratoire.

Fête des enfants, Association culturelle La Goutte d'Or, décembre 1978.


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Société multiculturelle, émergence et
revendications

Festival' 89 "Pour une société multiculturelle", Association des travailleurs de Turquie (ATT), mai 1989.

L'association des travailleurs de Turquie (ATT), à mi-chemin entre association et syndicat, organise des festivals pour une société multiculturelle des années 1980 à 1990.
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Les années 1980 sont marquées par le chômage, le racisme et l’audience grandissante du Front national. En 1983, la « seconde génération » issue de l’immigration et des Français des quartiers populaires réagissent à ce contexte hostile en organisant la Marche pour l'égalité et contre le racisme, premier
moment d’expression pacifiste post-coloniale faisant prendre conscience à la société française de sa dimension multicuturelle.

Or, cette idée disparaît du discours socialiste, préférant l'appellation « cultures urbaines » et assimilant désormais les cultures étrangères à une revendication communautaire.

En réponse, l'Association des travailleurs de Turquie (ATT) organise une série de festivals alliant concerts, expositions, projections filmées et débats autour du message « Pour une société multiculturelle ».

Festival'90 "Pour une société multiculturelle",Association des travailleurs de Turquie (ATT), mai 1990.


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L'expression culturelle des jeunes de la Seconde
Génération

À Bondy, l'association SOS ça bouge, créée par des jeunes, lance le festival « Y'a d'la banlieue dans l'air » en 1986. Génériques réunit une collection exhaustive des affiches de ce festival dont la dernière édition remonte à 2013, suite aux coupes budgétaires de l’État et de la commune de Bondy.

Les affiches de ces événements révèlent une certaine évolution graphique, davantage colorées et illustrées. Leur fabrication se professionnalise, à l'instar du collectif de dessinateurs Anita Comix ayant conçu plusieurs affiches de festivals de quartier.

Essor des festivals antiracistes

Concert gratuit des jeunes immigrés et prolétaires des banlieues "Rock against police", Vitry,
1980.


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La montée du Front national aux élections européennes de 1984 et aux élections législatives de 1986 marque les années 1980.


En réponse, les associations liées à l'immigration développent des actions antifascistes en partenariat avec des groupes d'extrême-gauche français.


Dans ce cadre, le mouvement Ras l'front et le festival Rock against Police (« concerts gratuits des jeunes immigrés et prolétaires de banlieue ») se développent.


Les affiches illustrant ces événements témoignent de l'évolution de la communication visuelle. Illustrations, bandes-dessinées et formes géométriques viennent attirer le regard. Il s'agit de venir jouer avec l'attention du spectateur dans une volonté de rendre attractif l'événement à un large public.


Pour en savoir plus sur le festival Rock against Police, consultez cet article du blog Melting Post.


Ras l'front, "La fête des black, blanc, beur", Paris [s.d].


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Festivals de théâtre et de cinéma

Le théâtre et le cinéma sont autant de moyens d'expression venant générer échanges, débats et partages d'émotions autour d'un thème donné. La tournée de la pièce Mohamed, prends ta valise de Kateb Yacine (1968) marquera particulièrement la création théâtrale en participant sur un plan artistique aux critiques de la condition des immigrés en France. Des troupes de théâtre constituées d'hommes immigrés vont mettre en scène des pièces en arabe, en kabyle ou encore en portugais.


Pour aller plus loin dans la découverte des affiches de manifestations théâtrales en lien avec l'immigration, consultez cette sélection de ressources dans Odysséo.

Une pluralité de fêtes

"Deuxième festival international du film contre l'exclusion et pour la tolérance" / Maison de l'UNESCO, Paris, 1999.

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La lutte pour la reconnaissance des droits des immigrés évolue dans les années 1990. L'occupation de l'église Saint-Bernard (Paris, 18e) par des sans-papiers en 1996 fait prendre conscience aux Français des conditions de vie précaires de certains travailleurs immigrés. Parallèlement, face aux difficultés d'embauche auxquelles est confrontée la « deuxième génération », la lutte contre le racisme continue.

Dans ce contexte, les festivals de musique et de cinéma jouent un rôle important dans la reconnaissance d'une culture avant tout cosmopolite. Ces moments de fêtes et de partage génèrent un sentiment de communion et de connivence avec des artistes en provenance du monde entier.

Les affiches qui accompagnent ces festivals témoignent des évolutions graphiques et politiques qui animent les années 1990-2000.

"Festival 6e Continent", Lyon, 2001.

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Des fêtes populaires

"Festival des migrations, des cultures et de la citoyenneté", Luxembourg, mars 2001.


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Les fêtes multiculturelles rencontrent un franc succès en France et en Europe, grâce aux billets d'entrée gratuits ou à un tarif peu élevé, permis par des financements publics et du mécénat en augmentation pour les événements en lien avec l'immigration.

Les associations organisatrices ont ainsi l'opportunité de faire appel à des graphistes professionnels pour la création d'affiches, influençant notablement la qualité graphique des campagnes de communication associées. Symboles, couleurs, illustrations, logos et slogans suivent les codes du genre en vogue. Dans une société où la communication tend à dominer l'information, les affiches des fêtes cherchent à se démarquer en surprenant et en attirant le regard du spectateur.

"Festival 6e continent", Lyon, 2008.

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Des fêtes religieuses

Paris va être l'une des ville pionnières dans la reconnaissance de grandes fêtes religieuses comme le Ramadan, Hanoucca et Têt en permettant la mise en place de célébrations dans l'espace public. Le festival du Chariot en est un exemple et célèbre le dieu hindou Ganesh par la mise en place de processions dans le 18e arrondissement de Paris au début du mois de septembre.

Pour en savoir plus sur le quartier de La Chapelle dit « Little Jaffna »  (Paris, 18e), consultez cette notice du Dictionnaire historique d'Odysséo.

  • Têt Canh Dân. Paris, 2010.

                   
                              
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  • Festival du chariot, Paris, septembre 2001.

                              
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  • Fête de l'Aïd, Clichy-sur-Seine, avril 1998.

                              
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  • Fête de l'Aid El Kébir, Espace européen, février 2003.

                              
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  • "Festival de chariot de dieu Ganesh", Paris, juillet 1997.

                              
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  • Les Belles nuits du ramadan, Paris, novembre 2002.

                              
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Des fêtes pour la nouvelle année

De nombreuses fêtes traditionnelles vont être célébrées en France autour de la nouvelle année. Le nouvel an chinois par exemple suit la logique du calendrier semi-lunaire et est fêté entre le 21 janvier et le 20 février. Le nouvel an bouddhiste est célébré par les communautés thaïlandaises et laotiennes au mois d'avril, tandis que le nouvel an berbère (Yennayer) se fête à la mi-janvier. Pour les Kurdes, communauté sans état, la célébration de la nouvelle année permet une revendication identitaire. Ces fêtes viennent dans certains cas s'inscrire dans l'espace public en invitant les participants à se joindre à de nombreuses activités culturelles (expositions, bals, concerts, initiations sportives, débats et projections) afin de créer un moment de partage et de convivialité.

Des fêtes pour continuer à lutter

Festival "Origines contrôlées" / Tactikollectif, Toulouse [s.d].


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Les années 1990 et 2000 sont marquées par la marginalisation des luttes pour la reconnaissance des droits des immigrés, avant tout portées par des associations de défense des droits humains et des collectifs politiques radicaux de gauche. Pour y faire face, une grande grève de la faim s'organise en 1991 par les sans-papiers afin de mettre en lumière leurs conditions de travail et demander une régularisation de leur situation sur le territoire français. Elle débutera à Bordeaux pour s'étendre ensuite à Paris, Strasbourg et Mulhouse entre autres.

Dans ce contexte, la fête reste un outil essentiel de commémoration et de solidarité pour les associations militantes dont les affiches produites témoignent d'une certaine sobriété. L'illustration est employée avec parcimonie en évoquant des symboles identitaires (empreinte digitale, drapeau français, instrument de musique traditionnel et de lutte (boxeur, chaînes brisées)). L'allégorie devient alors un mode d'expression spécifique pour communiquer visuellement un message politique.

"La fête de l'Egalité" / Gauche révolutionnaire, Paris, 1999.


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La fête est finie !

Festival de musiques migrantes "Tribu" / Zutique [s.l] 2007.

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Ce panel d’affiches des fêtes de l’immigration qui vous a été présenté dans cette exposition est une invitation à découvrir plus largement nos collections sur notre portail Odysséo.

Il témoigne de l'important travail de collecte mené par les militant-e-s de l'association Génériques auprès d'associations, de collectifs et de particuliers en lien vécu ou d’attachement avec le thème l'immigration.

Avec un thème volontairement joyeux et artistique, nous voulions vous faire découvrir de manière ludique, l'importante diversité de notre collection d'affiches conservée par Génériques qui rassemble des documents des années 1960 à nos jours.

Vous pouvez vous aussi faire partie de cette collecte en nous envoyant vos affiches papier ou numérisées à contact@generiques.org.

Pour aller plus loin...

Nous vous invitons à poursuivre cette exposition au travers de toutes les ressources disponibles sur notre portail internet odysseo.generiques.org

 

Bonne lecture et bon visionnage  !

Bibliographie

Sur la fête


Bercé, Yves-Marie, Fête et révolte, des mentalités populaires du XVIe au XVIIIe siècle, Hachette, Paris, 1976.


Duvignaud, Jean, Fêtes et civilisations suivi de La fête aujourd’hui, Actes Sud, Paris, 1991.

 

Vallon-Schoneveld, Marie, La fête au XVIe siècle, Actes du Xe colloque du Puy-en-Velay, Publications de l’Université de Saint Etienne, Saint-Etienne, 2003.

Sur les affiches


L’étranger à l’affiche, Altérité et identité dans l’affiche politique suisse 1918-2010, Editions Alphil, Neufchâtel, 2013.


Wlassikoff,Michel, Histoire du graphisme en France, Union centrale des Arts Décoratifs, Paris, 2005.

Sur l'histoire culturelle de l'immigration


Arnaud, Lionel, Réinventer la ville : Artistes, minorités ethniques et militants au service des politiques de développement urbain, PUR, Rennes, 2008.


Escafré-Dublet, Angeline, Immigration et politiques culturelles, La Documentation française, 2014.


Sayad, Abdelmalek, La double absence, des illusions de l’émigré aux souffrances de l’immigré, Seuil, 1999.

Crédits

Ce dossier thématique a été réalisé avec le soutien du ministère de la Culture et de la DILCRAH.

Conception et textes : Adeline Delrue  

Numérisation des documents : Association Génériques

Crédits photographiques :

Arrière-plan "foule", introduction et sommaire :"Show" de Roger Reuver, édité sous licence creative commons.

Arrière-plan de la première partie : "Waisak" de EA Media Sync, édité sous licence creative commons.

Arrière-plan de la seconde partie :  "Poor tags" de U-ichiro Murakami, édité sous licence creative commons.

Arrière-plan de la troisième partie : "Lumières de guirlandes" de Frédéric Bisson, édité sous licence creative commons.

Arrière-plan de la conclusion, de la bibliographie et des crédits : "Canal" de Daniel Lobo est éditée sous licence creative commons.


Les ressources