Usine Peñarroya de Saint-Denis (Saint-Denis, Seine-Saint-Denis)
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Date :
1881
1930-1990
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Notice historique :
La Société Minière et Métallurgique de Peñarroya naît en 1881. Des investisseurs français, dont la famille Rothschild, créent une compagnie d'extraction et de transformation du plomb, à partir d'un gisement découvert près du village de Peñarroya à 80 km de Cordoue, en Espagne. Très rapidement l'entreprise se développe, le plomb devenant un minerai de plus en plus utilisé, et elle fournit ainsi plus de la moitié de la production de plomb espagnol, deuxième pays producteur à l'échelle mondiale. Le développement de l'entreprise conduit à créer de nouvelles installations, notamment en France.
À la fin des années 1960, Peñarroya est le premier producteur de plomb en France et cette compagnie exploite des mines en Ardèche, en Savoie, dans le Gard et le Tarn. Plusieurs usines construites dans les années 1910 et 1920, sont spécialisées dans la transformation du plomb ou dans sa récupération, à partir notamment des batteries de voitures usagées: c'est le cas des usines de l'Estaque, près de Marseille, de Noyelles-Godault dans le Pas-de-Calais, d'EscaudSuvres dans le Nord, de Gerland, à Lyon, et de Saint-Denis, en région parisienne. Après 1945, les usines Peñarroya emploient une majorité d'ouvriers immigrés, issus du Maghreb pour la plupart et d'Afrique subsaharienne, dans une plus faible proportion. Des contingents de Marocains sont transférés de l'usine de Ouel El Heimer, située au Nord-Est du Maroc, qui appartient au même groupe, en Seine-Saint-Denis. Dans les années 1950 et 1960, les conditions de vie et de travail des ouvriers de l'usine Peñarroya sont extrêmement difficiles: ils connaissent des habitats précaires, dans les foyers de la Sonacotra notamment, et sont astreints à des rythmes intensifs; les équipements (douches ou chauffages) sont défaillants, l'absence de véritables mesures d'hygiène conduit à des risques graves pour la santé, en raison notamment des intoxications par le plomb, appelé aussi saturnisme. Des études de santé publique montrent que le pourcentage de traces de plomb dans le sang dépasse alors, chez les ouvriers de l'usine, toutes les limites réglementaires. Dans certains ateliers chargés de la récupération des batteries usagées, les limites excèdent plus de deux cents fois les limites requises.
C'est en ces terme, qu'un journaliste rend compte, en 1972, des conditions de travail dans l'usine: «Aux fours, la chaleur est si intense que les visières de protection se déforment. Il n'y a ni aération ni hotte d'aspiration des fumées et poussières. Ruisselant de sueur, pataugeant dans leurs brodequins, les ouvriers doivent charger les fours sans interruption [&]. Au four de récupération de l'aluminium, chaque ouvrier doit charger à la main dix tonnes par jour, tantôt à la pelle, enveloppé dans un nuage de poussière, tantôt en lançant dans le four des paquets de trente à cinquante kilos. Des bombes d'aérosols, mélangées aux déchets, explosent et provoquent des giclées de métal. Des fuites de chlore rendent l'air irrespirable. Au four de plomb, les paquets pèsent souvent soixante dix kilos. La fumée y est étouffante. Les gants de protection trop courts et l'absence de guêtres exposent poignets et chevilles aux giclées de métal fondu.» ( Le Nouvel Observateur , 21 février 1972).
Au début des années 1970, l'usine Peñarroya de Saint-Denis connaît une série de conflits sociaux, menés principalement par les ouvriers immigrés. La syndicalisation massive des ouvriers et l'élection de travailleurs immigrés originaires d'Afrique comme délégués du personnel jouent pour beaucoup dans ces mobilisations. Les revendications portent sur certains aspects concrets des conditions de travail: l'entretien des douches, le fonctionnement du chauffage dans les vestiaires, le nettoyage des bleus de travail, l'attribution de chaussures de sécurité, le repos un samedi sur deux pour les ouvriers chargés de casser les batteries. Surtout, la particularité de ces conflits tient à l'importance donnée aux questions de santé et tout particulièrement aux intoxications au plomb dont nombre d'ouvriers sont atteints. Dans un texte adressé aux autres salariés du groupe Peñarroya, les ouvriers de Saint-Denis écrivent ainsi, en mars 1971: «L'air que nous respirons est plein de vapeur et de poussière de plomb qui donne la maladie professionnelle que certains d'entre vous ne connaissent que trop: le saturnisme. Cette maladie détruit le sang, attaque les articulations. Certains d'entre nous ont une grande difficulté à fermer les mains, à marcher même. Ils sont obligés d'aller se faire faire des piqûres deux fois par semaine pour continuer à travailler. La direction ne veut pas admettre que cette maladie est dans l'usine. Quand un ouvrier commence à être trop malade, il est "arrêté" pendant deux ou trois mois avant que le médecin fasse les analyses. Comme ça la maladie est atténuée quand les analyses sont faites et l'ouvrier est déclaré en bonne santé» ( Cahiers de mai , n°28, mars1971). À la suite des grèves de 1971, les ouvriers parviennent à instaurer un comité de sécurité qui contraint la direction à produire les résultats réguliers des analyses de sang et d'assurer un suivi médical de chaque travailleur. Les mouvements sociaux à Saint-Denis et à l'usine de Gerland à Lyon permettent la reconnaissance du saturnisme comme maladie professionnelle à l'échelle nationale.
À partir du milieu des années 1970, les difficultés se multiplient pour l'entreprise Peñarroya: le cours des métaux chute et les mines espagnoles ferment les unes après les autres. Malgré sa nationalisation indirecte, via la nationalisation en 1981 de la banque Rothschild, son principal actionnaire, l'entreprise ne parvient pas à surmonter ses difficultés et les sites de production sont progressivement abandonnés. Les fermetures de sites, dont l'usine de Saint-Denis se succèdent au cours des années 1980, et l'entreprise, devenue Imétal en 1974, Métaleurop en 1988, ferme sa dernière usine de Noyelles-Godault en 2003, avant de prendre le nom de Recyclex en 2007, groupe spécialisé dans le recyclage des métaux et du plastique.
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Sources complémentaires :
Sources d'archives
●Archives départementales de Seine-Saint-Denis
1383W17, Société minière et métallurgique de Penarroya, Usine de Saint-Denis, À Monsieur l'inspecteur du travail de Saint-Denis, 17février1971, 14p. manuscrites, p.1.
1383W17, Inspection du travail, 2e section, Note de Monsieur Delafosse, inspecteur du travail, à Monsieur le directeur départemental du travail et de la main-d'Suvre de la Seine Saint-Denis. Objet: conflit Penarroya, 11février1971, 9p., p.7.
1383W17, Comité des ouvriers de Penarroya, Ce que nous voulons, C'EST JUSTE!, tract, 1p., s.d. (17ou18janvier1971).
1383W17, Union locale des syndicats CGT de Saint-Denis, Pour une action syndicale responsable et efficace, tract, s.d. [14février1972], 2p.
●Bibliothèque de documentation internationale contemporaine (BDIC) (Nanterre)
F delta 1961/08/1, Questionnaire et entretien, tracts, coupures de presse et documents variés.
Sources imprimées
ANSELME Daniel, «La grève de PenarroyaLyon, 9février-13mars 1972», Aa. Vv. (dir.), Quatre grèves significatives , Paris, EPI, 1972, pp.141-173.
«Appel du comité de grève de Penarroya-Lyon-Gerland et de Penarroya-Saint-Denis, 9février1972», in Pour le succès des travailleurs de Penarroya, bulletin d'information du comité de soutien aux travailleurs de Penarroya, n°1, 2mars1972.
«Penarroya. Lettre des ouvriers de Saint-Denis aux travailleurs du trust», Cahiers de mai , 28, mars1971, pp.4-7.
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Références :
Bibliographie
MOGNISS H. Abdallah, J'y suis, J'y reste! Les luttes de l'immigration en France depuis les années soixante , Paris, Reflex, 2000, 158p.
MORDILLAT Gérard, JACQUET Frédérique, Douce banlieue , Éditions de l'Atelier, 2005, 272p.
PITTI Laure, «Du rôle des mouvements sociaux dans la prévention et la réparation des risques professionnels: le cas de Penarroya, 1971-1988», in Catherine Omnès, Laure Pitti (dir.), Cultures du risque au travail et pratiques de prévention. La France au regard des pays voisins , Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, pp.217-232.
PITTI Laure, «La lutte des Penarroya contre le plomb», Santé & Travail , n°62, 2008.
PITTI Laure, «Filmer pour mobiliser: l'exemple de Penarroya. Premiers jalons d'une réflexion sur le rôle du cinéma militant dans (et pour) l'histoire des grèves d'ouvriers immigrés durant les années 1970», Migrance , n°32, 2008, pp.43-50.
PITTI Laure, «Penarroya (1971-1977): "Notre santé n'est pas à vendre!"», Plein droit , n°83, 2009, pp.36-40.
PITTI Laure, «Penarroya, 1971-1972. Deux films, deux regards, une mobilisation», in Tangui Perron (dir.), Histoire d'un film, mémoire d'une lutte. Étranges étrangers , un film de Frédéric Variot et Marcel Trillat, Montreuil, Périphérie, 2009, pp.152-173.
Webographie
PERRON Tanguy, La lutte des travailleurs de Peñarroya à Saint-Denis, URL: http://www.peripherie.asso.fr/patrimoine-histoire-d-un-film-memoire-d-une-lutte/9eme-edition-la-lutte-des-travailleurs-de (consulté le 13 mai 2015) et http://www.canalmarches.org/spip.php?article601 (consulté le 15 mai 2015).
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Légende/crédits :
Légendes des documents numériques associés
Doc. 1 : «Les 200 travailleurs de l'entreprise «Peñarroya» en grève depuis 17 jours», Saint-Denis Républicain , n°1054, 5 février 1971, p. 5, Archives municipales de Saint-Denis, 8C25.