Le Relais Ménilmontant, Paris (20e arr.) Marche pour l'égalité et contre le racisme, 15 octobre 4 décembre 1983

  • Date :

    1983

  • Notice historique :

    Présentation du contenu

    Le Relais Ménilmontant à Paris a une place essentielle dans l'histoire et la mémoire de la Marche. Durant l'été 1983, des représentants des associations qui organisent la Marche (Toumi Djaïdja de SOS Avenir Minguettes, Christian Delorme et Jean Costil de la Cimade Rhône-Alpes) viennent à Paris pour présenter leur projet de première marche pour l'égalité et contre le racisme aux associations antiracistes de la région parisienne. Ils souhaitent mobiliser les associations parisiennes afin que celles-ci relaient leur message dans la capitale et prennent en charge l'organisation de l'étape finale du 3 décembre. C'est au Relais Ménilmontant, lieu connu des luttes de l'immigration des années 1970, que la rencontre a lieu. Elle rassemble une quinzaine d'associations locales qui entendent alors parler de la Marche pour la première fois. Le Collectif jeunes de Paris d'accueil de la Marche, qui est créé par la suite afin d'organiser l'arrivée de la Marche à Paris le 3 décembre, s'y réunira à de nombreuses reprises avant, pendant et après la marche. C'est aussi au Relais Ménilmontant que, le 4 décembre, les marcheurs se réuniront pour la dernière fois.

    L'histoire du Relais Ménilmontant est liée à la fois au quartier de Belleville-Ménilmontant, quartier historique des ouvriers et des immigrés, et à l'histoire de militants des droits humains. En 1974, le père Pierre Loubier, curé de l'église Notre-Dame-de-la Croix, située place de Ménilmontant, accueille un collectif de sans-papiers animé, entre autres, par Saïd Bouziri, jeune militant tunisien qui crée et mène le Mouvement des travailleurs arabes (MTA). En 1975, l'archevêché de Paris envisage de vendre un terrain lui appartenant situé à proximité de l'église Notre-Dame-de-la Croix, sur la rue de Ménilmontant. Ce terrain est occupé par une ancienne école désaffectée. Afin d'éviter la vente du terrain, Pierre Loubier ainsi que des militants du collectif d'immigrés sans-papiers et des habitants du quartier se mobilisent pour soutenir une initiative plus sociale. C'est ainsi que sur ce terrain sont implantés des logements HLM dont une partie est transformée en cité de transit en dur. Cette nouvelle cité recueille des familles mal logées du quartier, parmi lesquelles un grand nombre d'immigrés: des Portugais, des Africains, des Maghrébins&En même temps, un espace social pour accueillir les familles est créé. L'objectif de cet espace social est d'encourager le sien entre les habitants du quartier et de favoriser des projets d'insertion. Ce lieu social est d'abord géré par le Service social familial nord-africain (SSFNA). Finalement, Pierre Loubier créé et préside, en 1976, l'association Relais Ménilmontant qui en reprend la gestion. Le Relais est un lieu d'animation et de formation ainsi qu'un centre d'accueil social.

    Le Relais devient petit à petit un espace connu des luttes de l'immigration à Paris. On y prépare des tracts, et on y organise des rassemblements. Des militants de l'immigration visitent régulièrement l'endroit. Pierre Loubier, curé de la paroisse et président du Relais, accueille même dans la crypte de son église la communauté musulmane Ad Dawa, privée de lieu de prière. Radio Soleil Goutte d'Or, créée à l'été 1981 par des anciens militants du MTA, dont Saïd Bouziri, a d'ailleurs pendant un temps ses studios au Relais.

    Dès le début de la Marche, des collectifs regroupant des associations s'organisent. Dans la région parisienne, on retrouve 2 comités qui reflètent les prises de position différentes entre, d'une part, des organisations plus ou moins anciennes et, d'autre part, ceux des jeunes de la seconde génération. Le premier groupe, connu sous le nom de Collectif parisien d'accueil de la Marche, rassemble des organisations telles que la Ligue des droits de l'homme, le MRAP ou la FASTI. Le collectif se réunit dans un local de la rue Traversière (12e arr.). Le second groupe, dont le nom exact est, Collectif jeunes de Paris en soutien à la marche pour l'égalité des droits et contre le racisme, rassemble surtout des associations de jeunes qui ne reconnaissent pas dans les grandes organisations qu'ils jugent trop «institutionnelles». Les associations membres du Collectif jeunes se plaignent aussi du fait que les revendications des jeunes Maghrébins de France ne sont pas assez prises en compte par les grandes associations. A la recherche d'un local, ils demandent et obtiennent de la direction du Relais Ménilmontant la permission d'établir leur quartier-général dans les locaux du centre social. Le Collectif s'y retrouve régulièrement. C'est de là que sont tirés les tracts, affiches, banderoles, badges etc. Qui émanent du Collectif.

    Le 3 décembre, jour de la dernière étape de la Marche, c'est au Relais que se retrouve le Collectif des jeunes pour l'ultime étape de la Marche qui va de la Place de la Bastille à Montparnasse. Le lendemain, après l'euphorie de la dernière étape et de la fin de l'épopée, un repas rassemble au Relais les membres du Collectif et les marcheurs pour un repas d'au-revoir. Quelques mois plus tard, le Relais Ménilmontant devient, presque naturellement, le siège officiel de la deuxième marche contre le racisme et pour l'égalité, plus connue sous le nom de Convergence 84.

  • Sources complémentaires :

    SOURCES INTERNES

    Archives oralesissues de la campagne de Génériques sur les «luttes et mobilisations de l'immigration 1968-1988» : témoignages de Hédi Akkari, Salika Amara, Alima Boumediene-Thiery, Daniel Duchemin, Driss El Yazami, Brahim Messaouden, Samia Messaoudi,

    Fonds Sans Frontière :

    Sans Frontière n°79, octobre 1983, p.2.

    «Marche et rêve», Sans Frontière, supplément n°80, novembre 1983.

    «La Marche», Sans Frontière n°81, décembre 1983.

    Sans Frontière, supplément n°81, décembre 1983.

    «L'effet Marche», Sans Frontière, n°82, janvier 1984.

    «La Marche en photos», Hors-Série Sans Frontière, supplément n°87, 1984.

    La «Beur» génération, Sans Frontière, spécial SF n° 92-93 (chronologie événementielle de 1979 à 1985 et l'été meurtrier 1983).

    Fonds Bonneau :

    A1. Politiques d'immigration, polémique, réactions associations et partis politiques, La Marche 1983. (1972-1984).

    B10. Crimes et agressions racistes, chronologie des crimes commis depuis 1980... (1980-1990).

    L49. Associations, MRAP, fonctionnement interne, assises et congrès, CR BN, bulletin d'information, campagne (1981-1995).

    L58. Associations diverses, FAS, France Plus, Texture, LDH... (1982-1995).

    Dossiers «Discriminations» (M61. Travailleurs immigrés, syndicats, clandestins (1981-1998). M.64. Accès loisirs, études, retraite, regroupement familial, conditions féminine (1983-1996)), «Statistiques» (O68. 1983-1997) et «Pays d'origine, immigration par communauté» (Q72. 1981-1996).

    http://odysseo.org.

    www.generiques.org/migrance.

  • Références :

    OUVRAGES

    Abdallah, Mogniss H., Rengainez, on arrive: chroniques des luttes contre les crimes racistes ou sécuritaires, contre la hagra policière et judiciaire, des années 1970 à nos jours, Paris, Libertalia, 2012.

    Beaud, Stéphane, Pialoux, Michel, Violences urbaines, violence sociale. Genèse des nouvel-les classes dangereuses, Paris, Fayard, 2003.

    Béroud, Sophie, Gobille, Boris, Hajjat, Abdellali, Zancarini-Fournel, Michelle (dir.), Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Éditions des archives contemporaines, 2011.

    Bouamama, Saïd (préf.Abdalah, Mogniss H.), Dix ans de marche des Beurs: Chronique d'un mouvement avorté, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.

    Boubeker, Ahmed, Les mondes de l'ethnicité : la communauté d'expériences des héritiers de l'immigration maghrébine, Paris, Balland, 2003.

    Boubeker, Ahmed, Chronique métissées : l'histoire de France des jeunes Arabes, Paris, Alain Moreau, 1986.

    Boubeker, Ahmed, Hajjat, Abdellali (dir.), Histoire politique des immigrations (post)coloniales. France 1920-2008, Paris, Éditions Amsterdam, 2008.

    Bouzid, La Marche: Traversée de la France profonde, Paris, Sindbad, 1984.

    Bouzid, La Marche. Les carnets d'un «marcheur», Paris, Sinbad-Actes Sud, 2013.

    Delorme, Christian, La Marche, Montrouge, Bayard, 2013.

    Djaïdja, Toumi (Entretiens avec Adil Jazouli), La Marche pour l'Egalité: une histoire dans l'histoire, La Tour-d'Aigues, Ed. de l'Aube, 2013.

    Gastaut, Yvan, L'immigration et l'opinion en France sous la Ve République, Paris, Seuil, 2000.

    Guénif Souilamas, Nacira, Des « beurettes» aux descendantes d'immigrants nord-africains, Paris, Grasset, 2003.

    Gordon, Daniel A., Immigrants & Intellectuals. May'68 & the Rise of anti-racism in France, Pontypool, Merlin Press, 2012, pp 198-201.

    Jazouli, Adil, L'action collective des jeunes maghrébins de France, Paris, CIEMI/L'Harmattan, 1986

    Nasri, Foued, "Les pérégrinations d'un collectif féminin au sein des luttes de l'immigration", in Béroud, Sophie, Gobille, Boris, Hajjat, Abdellali, Zancarini-Fournel, Michelle (dir.), Engagements, rébellions et genre dans les quartiers populaires en Europe (1968-2005), Paris, Éditions des archives contemporaines, 2011.

    Pigenet Michel,Tartakowsky, Danielle (dir.), dossier « Marches », Mouvement social, n°202, 2003.

    ARTICLES REVUES

    Abdallah, Mogniss H., «1983: La marche pour l'égalité», Plein Droit, n° 55, décembre 2002.

    Beaud, Stéphane, et Masclet, Olivier, «Des 'marcheurs' de 1983 aux 'émeutiers' de 2005. Deux générations sociales d'enfants d'immigrés», Annales. Histoire, Sciences Sociales, no. 4, 2006, pp. 809-843. www.cairn.info/revue-annales-2006-4-page-809.htm.

    Césari, Jocelyne, "Citoyenneté et acte de vote des individus issus de l'immigration maghrébine. Des stratégies politiques plurielles et contradictoiresé". Politix, Vol. 6, N°22, Deuxième trimestre 1993, pp. 93-103. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1993_num_6_22_2046

    Champagne, Patrick, "La construction médiatique des "malaises sociaux"", Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 90, décembre 1991, pp. 64-76. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1991_num_90_1_2997

    Collovald, Annie, "Des désordres sociaux à la violence urbaine", Actes de la recherche en sciences sociales, Vol. 136-137, mars 2001, pp. 104-113. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_2001_num_136_1_2715

    Delorme, Christian, «Le mouvement beu

    Dabène, Olivier, "Les «beurs», les «potes». Identités culturelles et conduites politiques", Politix, Vol. 3, N°12, Quatrième trimestre 1990, pp. 38-46. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polix_0295-2319_1990_num_3_12_1422r a une histoire», Les cahiers de la nouvelle génération, n°1, 1984, pp.18-46.

    Lapeyronnie, Didier, "Assimilation, mobilisation et action collective chez les jeunes de la seconde génération de l'immigration maghrébine", Revue française de sociologie, 28, 2, 1987, pp. 287-318. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfsoc_0035-2969_1987_num_28_2_2397

    Leveau, Rémy, "Les beurs dans la cité", Vingtième Siècle. Revue d'histoire, N°44, octobre-décembre 1994, pp. 65-71. http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/xxs_0294-1759_1994_num_44_1_3113

    Marlière, Eric, "Emeutes urbaines, sentiments d'injustice, mobilisations associatives", SociologieS, Théories et recherches, 06 juillet 2011. http://sociologies.revues.org/3521

    Wihtol de Wenden, Catherine, "La beurgeoisie", Empan, 3, n°71, 2008, p. 69-73. http://www.cairn.info/revue-empan-2008-3-page-69.htm

    Zancarini-Fournel, Michelle, « Généalogie des rébellions urbaines en temps de crise (1971-1981) », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, 4, n°84, 2004, p. 119-127. http://www.cairn.info/revue-vingtieme-siecle-revue-d-histoire-2004-4-page-119.htm

    «Penser la crise des banlieues»,Annales. Histoire, Sciences Sociales, 4, 2006, p.755-757. http://www.cairn.info/revue-le-mouvement-social-2003-1-page-69.htm

    JOURNAUX

    Libération, 3 décembre 1983, «Paris sur beur».

    Le Monde, 3 décembre 1983, Nicolas Beau, «Le inch' Allah du cardinal».

    THESES

    Willaume, Jean-Baptiste, «Jeunesse des banlieues et politique de la ville, 1981-1986. Le temps des grandes espérances ?», Mémoire de Maîtrise, Université Paris IV-Sorbonne, 2003.

    AUDIOVISUELS

    Abdallah, Mogniss H., et Fero, Ken, Douce France, la saga du mouvement "beur" , Laos France, Agence IM'média - Migrant Media. 1993, www.histoire-immigration.fr/2011/9/douce-france-la-saga-du-mouvement-beur.

  • Mots-clés