La Cimade, Lyon (Rhône) Marche pour l'égalité et contre le racisme, samedi 29 octobre 1983
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Date :
1983
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Notice historique :
Présentation du contenu
«L'organisation de la Marche sera portée essentiellement par la Cimade Rhône-Alpes». Christian Delorme, in Delorme, Christian, La Marche, Paris, Bayard, 2013, p. 125.
Association de solidarité avec les populations immigrées, la CIMADE, particulièrement son antenne régionale de Lyon, tient une place centrale dans l'histoire de la Marche. Service Scuménique d'entraide, la Cimade se consacre, depuis sa création en 1939, à l'accueil et l'accompagnement des étrangers en France. A Lyon, le pasteur Jean Costil et le père Christian Delorme, responsables régionaux de l'association, sont particulièrement actifs dans le soutien aux jeunes immigrés. En avril 1981, ils entament une grève de la faim aux côtés d'un jeune Algérien, Hamid Boukrouma, pour protester contre les expulsions des jeunes immigrés. Deux ans plus tard, ils jouent un rôle essentiel dans l'organisation de la Marche aux côtés des jeunes des Minguettes de l'association SOS Avenir Minguettes.
La Cimade (Comité inter-mouvements auprès des évacués) a été pensée et fondée à la fin des années 1930 au sein de mouvements de jeunes protestants qui combattent le nazisme et le racisme. Durant la Seconde Guerre mondiale, elle assiste, entre autres, les personnes internées (Juifs, étrangers, prisonniers politiques..) dans les camps d'internement et de travail disséminés sur le territoire français. Plus généralement, elle se consacre à l'accompagnement des étrangers, qu'ils soient en voie d'expulsion, demandeurs d'asile ou réfugiés. Dans les années 1970, elle se préoccupe de la situation des travailleurs immigrés et de leurs familles. Ces derniers se retrouvent dans des situations difficiles à cause, notamment, des politiques publiques qui tendent à contrôler leur arrivée en France et à limiter leurs droits (circulaire Marcellin-Fontanet, lois Stoléru, Bonnet..). Lors des grandes luttes de l'immigration, on retrouve l'association aux côtés des organisations immigrées.
En 1983, lorsque l'idée de la Marche prend forme à Vénissieux, l'engagement de la Cimade est presque naturel, même si, au départ, des désaccords apparaissent entre l'antenne régionale de l'association à Lyon et le siège national à Paris. Située 3 rue Diderot à Lyon (1er arr.), la CIMADE est bien implantée dans les réseaux d'aide aux immigrés, notamment le réseau du journal associatif immigré Sans Frontière, dont le premier président est l'abbé Louis Gallimardet. Celui-ci, curé dans le quartier de la Goutte d'Or à Paris (18e arr.), est engagé dans la solidarité avec les immigrés. En 1972, il accueille à la salle Saint-Bruno le jeune Tunisien Saïd Bouziri et son épouse qui, menacés d'expulsion, mènent une grève de la faim pour les papiers.
Bien avant la Marche, le pasteur Jean Costil et le prêtre Christian Delorme sont particulièrement actifs dans le soutien aux enfants d'immigrés. Le 2 avril 1981, à Lyon, en plein période électorale, ils entament une grève de la faim aux côtés de Hamid Boukrouma, Algérien de 32 ans né en France qui est en instance d'expulsion. L'objectif, comme le rapporte un article dans le journal Sans Frontière, est l'arrêt des expulsions d'enfants d'immigrés nés en France ou à l'étranger mais qui ont passé plus de la moitié de leur vie en France. Le 21 avril 1981, Christian Delorme et trois jeunes immigrés se rendent à Genève afin de témoigner devant une commission de l'ONU des inégalités et des entraves aux droits de l'homme dont sont victimes ces enfants d'immigrés. La grève se termine après 29 jours après que le ministère ordonne la suspension temporaire des expulsions. Cette action donne une certaine notoriété à Christian Delorme et Jean Costil. Elle leur permet de se rapprocher des jeunes des quartiers, dont celui des Minguettes où l'escalade de violence entre jeunes et forces de l'ordre en 1981-1983 parait incontrôlable.
Une fois que l'idée de la Marche est lancée par les jeunes de Vénissieux, il s'agit de définir les aspects pratiqueset d'assurer l'organisation de cette contestation non-violente issue des quartiers populaires. «Une marche nationale demande une préparation minutieuse& [et] un certain nombre de moyens matériels», écrit Christian Delorme. Pour traverser toute la France, il faut, notamment, organiser l'itinéraire de la Marche, mais aussi l'accueil, le logement et les repas des marcheurs. Avec le soutien actif du MAN, l'antenne lyonnaise de la Cimade prend en charge tous les aspects logistiques de la Marche: les tracts et les affiches à tirer, les aspects financiers (les dons notamment), le lien entre les marcheurs et les associations qui les accueillent tout au long du périple etc& Lors du passage de la Marche à Lyon le 29 octobre 1983, Christian Delorme et Jean Costil entourés de jeunes des Minguettes donnent une conférence de presse au club de la presse de Lyon. Là, ils expliquent les motivationsde leur action collective: dire stop aux violences policières, aux crimes racistes et au climat de rejet des étrangers et rassembler ceux, en France, qui croient et veulent construire une société basée sur les principes et les valeurs de la République avec, au premier plan, ceux de l'égalité et de la fraternité.
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Sources complémentaires :
Sources complémentaires
SOURCES INTERNES:
Fonds Sans Frontière
Fonds Béatrice Bonneau
SOURCES EXTERNES:
SOURCES D'ARCHIVES PUBLIQUES
Archives publiques :
Archives municipales de Vénissieux :
«16 millions de mal-logés en France en 1974», Rapport NORA, 1974.
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Références :
OUVRAGES
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ARTICLES REVUES
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JOURNAUX
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MÉMOIRES ET THESES
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AUDIOVISUELS
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Marche à Valence, http://www.ina.fr/video/CAB8302218401.