Postes Cimade en France

  • Date :

    1956-1969

  • Biographie ou histoire :

    Présentation du producteur

    Dès les années 1960, la Cimade envisageait une réflexion avec les Algériens sur l'accompagnement des quelques centaines de milliers des leurs qui continueraient à travailler en France.

    Le premier poste créé a été celui de Marseille (en 1956) où affluaient, après la Deuxième Guerre Mondiale, de nombreux travailleurs en provenance d'Afrique du Nord, en particulier d'Algérie, attirés par l'essor économique de la ville. La Cimade, implantée d'abord dans le quartier de la Porte d'Aix (Boulevard des Dames et Enclos Peyssonnel), puis aux confins de la ville au Grand Arénas (un ancien camp de transit proche des Calanques) allait à la rencontre d'une population composée d'hommes seuls – vivant dans des meublés ou des bidonvilles – et de familles entières dont les conditions de vie (logement en particulier) étaient très précaires et qui éprouvaient de grandes difficultés d'adaptation à la vie en France. Les hommes, qui venaient pour la plupart de régions rurales, devaient s'insérer dans le monde ouvrier, sans formation professionnelle, ne sachant souvent ni lire, ni écrire le français. Les femmes, dont beaucoup ne parlaient pas la langue, n'avaient pas de contacts avec la société française. Les jeunes de 14 à 20 ans (post-scolaires) rencontraient beaucoup d'obstacles à leur insertion (enseignement, emploi, loisirs). Face à cette situation, les équipes Cimade organisent différentes activités : cours d'alphabétisation pour les hommes, le soir ; clubs pour les enfants et pour les adolescents ; réunions pour les femmes : conversation, lecture, couture ; au Grand Arénas, avec l'aide de différentes institutions marseillaises, construction d'un centre de pré-apprentissage adapté à la capacité de travail d'adolescents dont le niveau scolaire était insuffisant ; en été, organisation de colonies de vacances et de placements dans des familles d'accueil.

    La lutte pour l'indépendance de l'Algérie s'intensifiant des deux côtés de la Méditerranée, la répression s'abattait sur les travailleurs algériens en France. En 1959 et 1960, les équipiers de la Cimade à Marseille sont les témoins de situations dramatiques dans de nombreuses familles algériennes, lorsque le père ou le frère ou le fils était “ raflé ” par la police et qu'on venait demander de l'aide. Des démarches étaient effectuées dès qu'une arrestation était connue pour éviter que la personne arrêtée demeure dans l'anonymat, aux mains de services de police où se pratiquait la torture. Des femmes restaient seules avec leurs enfants soit que le mari ait été assigné à résidence dans un camp d'internement comme “ suspect ”, soit qu'il ait disparu. Les services sociaux étaient alertés (allocations familiales,..), des voyages en voiture étaient organisés au camp du Larzac ( à 300 km de Marseille ) pour les femmes ayant un droit de visite de deux heures par mois, etc..

    De nombreux bénévoles venaient renforcer les équipiers dans leurs actions : à cette époque, en effet, un certain nombre de mouvements de base et de pasteurs, prêtres et religieux s'engageaient en faveur de la population d'immigrants maghrébins.

    En 1962, deux faits significatifs ont affecté les priorités des équipes de Marseille : d'une part, la signature des Accords d'Evian le 19 mars, ce qui a provoqué un sentiment de joie et de victoire dans les familles algériennes et, d'autre part, l'arrivée massive des rapatriés français d'Algérie par le port de Marseille pendant quatre mois, de juillet à fin août. Les capacités d'accueil de la ville étant débordées, la municipalité adressait un appel urgent à différentes organisations, dont la Cimade. A la demande de la Direction de la Cimade , l'équipe du Boulevard des dames participe à la mise en place d'un service d'accueil provisoire sur les quais de la Joliette. Dans le même temps, des algériens militants, libérés des camps d'assignation à résidence et d'autres lieux de détention en France, en route pour l'Algérie, étaient acheminés vers le foyer d'hommes de la rue d'Aix : dès le mois de mai 1962, un service d'accueil ayant pour objet l'orientation administrative des libérés, une aide matérielle et des conseils, était organisé par le FLN dans ce local mis à sa disposition par la Cimade, en attendant l'ouverture d'un consulat algérien à Marseille.

    La Cimade poursuit son action jusqu'à maintenant, au Boulevard des Dames. Au Grand Arénas, l'équipe a continué son travail jusqu'en 1969, date à laquelle son programme a été repris et poursuivi par l'Association ARENA jusqu'en 1999.

    Le poste de Paris 14ème-15ème arrondissements a été ouvert en janvier 1960, en relation avec le service Nord-africain et avec le soutien de deux paroisses protestantes locales. Ces arrondissements avaient une forte concentration de familles et de travailleurs algériens. Les hommes seuls habitaient dans des “ garnis ”, envoyant une partie de leur salaire à la famille restée au pays. Les familles vivaient pour la plupart dans des logements exigus, vétustes et insalubres. Une équipière, aidée par de nombreux bénévoles, visitaient les familles, faisait des démarches en relation avec les services sociaux et organisait des activités éducatives pour les enfants et les adultes : cours de rattrapage scolaire, cours de dactylo, de couture, alphabétisation, clubs d'enfants et d'adolescents, colonies de vacances,… Les relations de confiance établies avec les familles étaient l'expression d'une solidarité vécue avec un peuple en lutte.

    Après l'indépendance de l'Algérie, un autre poste fut créé à Lyon en 1963, dans le quartier de la Croix-Rousse, à la demande de personnes proches de la Cimade, qui avaient engagé des actions auprès de travailleurs algériens depuis plusieurs années.